.Sumo do, sumo don't
 
Titre original:
Shiko funjatta
   
Réalisateur:
SUO Masayuki
Année:
1992
Studio:
Daiei
Genre:
Comédie
Avec:
MOTOKI Masahiro
SHIMIZU Misa
TAKENAKA Naotoi
EMOTO Akira
dre
The Ring 

Sumo do, sumo don't est une énième variante du film de sport, où une équipe non prédestinée se dépasse pour remporter la victoire ; moins importants que le succès en lui-même, ce sont surtout les enjeux personnels et la révélation de leur propre personne qui va les aider à mieux appréhender leur ''moi'' intérieur.

Un ancien talent de sumo reconverti en professeur de littérature arrive tant bien que mal à constituer une truculente équipe de pieds-cassés pour faire perdurer l'ancien club de sumo et participer une dernière fois à un match de troisième ligue. L'équipe hétéroclite est composée de Shuhei, uniquement de la partie pour espérer obtenir une bonne note à la thèse supervisée par son professeur de littérature ; de l'adulé et pourtant gringalet Haruo; d'un solitaire ''enrobé'' et bigleux et d'Aoki féru du sport, qui brille par sa maladresse et des diarrhées chroniques dès qu'il est sur le ring. N'ayant aucune expérience et motivation, tous quatre se font humilier lors de leur premier tournoi. Ne pouvant rester sur un échec aussi cuisant, Shuhei décide de pousser l'équipe à se surpasser et à prendre leur revanche. Rejoints par le prétentieux sportif européen Smiley, ils commencent un entraînement intensif, qui consiste…à roupiller.

Le sumo est un art de sport remontant à la nuit des temps. Il a été mentionné dès le premier livre existant japonais, le Récit des Temps Anciens, où le Dieu Takemikazuchi défit son comparse Takeminakata et obtint droit des îles japonaises actuelles. Le sumo est un sport exclusivement réservé aux hommes. Vêtus d'une seule bande de tissu serrée, ils affrontent en face à face à l'intérieur d'un cercle de 4,55 mètres de diamètre. Le but du jeu consiste soit à éjecter l'adversaire hors du terrain, soit à le faire toucher terre d'une partie du corps autre que du pied à l'aide de 82 prises différentes autorisées. Si ce sport ancestral jouit encore de nos jours d'un véritable culte parmi ses fans, sa popularité en général décroît au fil des années.

Pas besoin pourtant de connaître les règles finalement plus complexes qu'il ne paraît à première vue; l'apprentissage des personnages passe également par celui des règles principales de cet art, permettant par la même à l'amateur peu éclairé de saisir rapidement les principaux enjeux. Le film démarre sur un très beau texte de Jean Cocteau, décrivant l'art particulier du sumo. Décrivant avec force détails les viriles empoignades des lutteurs, il dépeint autant la beauté abstraite d'un sport de combat peu violent, que l'essence même de la philosophie pacifiste qui s'en dégage. Le premier comique de situation provient donc de l'évident décalage entre la représentation noble de cet art face à la constitution d'une équipe tout à fait improbable. La lassitude du professeur à ne se donner aucune peine à former une réelle équipe se retrouve pleinement justifiée lorsque les différents membres sont réunis : aucun n'a la réelle carrure des mastodontes professionnels auxquels le Japon a voué un véritable culte jusqu'à nos jours. La pérennité du club de sumo du lycée semble donc aussi peu assuré, que la poursuite du sport en lui-même, aujourd'hui perçu dans son pays d'origine comme démodé, comme le souligne la très belle mise en parallèle au début du film entre le désintéressement total des élèves face à la fascinante attraction pour le spectaculaire catch.

Le réalisateur esquisse d'ailleurs d'emblée la majeure différence entre un sport essentiellement basé sur un état d'esprit de combativité face à la seule force brute du catch ; thématique plusieurs fois renforcé par les sages conseils du professeur faisant comprendre aux élèves que la puissance seule n'assure aucunement une victoire, ce dont Smiley est le premier à en faire les frais. En cela, Suo tire le meilleur parti d'un scénario par ailleurs terriblement classique : rendre hommage à la philosophie d'un sport finalement très peu porté sur le combat en lui-même. Par extension, les protagonistes principaux apprennent donc moins à se battre, qu'à remettre en cause leur propre personne et de vaincre leurs propres défauts. Par leur victoire, tous mûrissent et gagnent l'affirmation de soi ; que ce soit Shuhei, qui apprend la motivation ou le gros la confiance en lui-même. L'adulé Haruo comprend, qu'il y a plus important que la beauté dans l'amour amour, Smiley gagne l'humilité et Aoki arrive à ses fins à force de persévérance. En somme, une expérience de toute une vie qu'un chacun ne trouvera pas toujours, condensée sur quelques semaines d'entraînement.

Le thème n'est pas très original, surtout en ce qui concerne les films de sport. Le nombre de métrages similaires est assez conséquent et a même été décliné sous d'autres formes comme l'apprentissage par la musique ou la danse. En cela, Suo ne renouvelle donc en aucune manière le genre et fait finalement preuve de peu d'imagination. Traité sur le ton de la comédie, la mise en situation de son équipe de pieds-nickelés en personnages de lutteurs sumo peu probables reste pourtant le seul élément véritablement comique. Quelques gags poussifs, comme la diarrhée incontrôlable d'Aoki prêteront tout juste à sourire lors de son premier accès, mais est vite éculé par la suite du film. Pire, les trop nombreuses scènes de combat semblent par trop répétitives et étirent le film artificiellement en longueur. Seules quelques scènes plus sensibles, telle que celles du personnage de Ritsuko, sortent quelque peu du lot et donnent un bref aperçu ce qui aurait pu être le film, s'il avait été d'avantage réfléchi. Pas vraiment une comédie, ni une étude de mœurs en vue de la relative transparence des caractéristiques des personnages, ''Sumo do….'' dégage ce même goût suranné, que le sport qu'il représente : lent, pesant, plombé par une mise en scène simpliste et académique, le film semble provenir d'une autre époque et ne trouve plus tout à fait sa place dans les réalisations actuelles. Ne trouvant le juste équilibre, il se situerait entre la légèreté loufoque d'un Water Boys et la réflexion posée d'un Ping Pong sans véritablement approfondir aucune des deux directions données. Un honnête divertissement sans grande surprise.
 
Bastian Meiresonne