.Survive Style 5+
 
Titre original:
-
   
Réalisateur:
Sekiguchi Gen
Année:
2004
Studio:
-
Genre:
Comédie
Avec:
Asano Tadanobu
Kishibe Ittoku
Sonny Chiba
Vinnie Jones
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Délires croisés

Tous deux issus de la publicité, le scénariste Taku Tada et le réalisateur Gen Sekiguchi combinent leurs talents respectifs pour accoucher d'un film d'ores et déjà culte.

L'intrigue tordue - et quasiment impossible à résumer en quelques lignes - suit l'enchevêtrement de plusieurs histoires bien distinctes : Un jeune homme aux emprises avec le spectre revenant de sa jeune fiancée qu'il est obligé d'assassiner indéfiniment. Un show-man très épris de sa personne se faisant assassiner sur scène par un étrange duo de tueurs, alors qu'il venait d'hypnotiser un père de famille qui se prend dès lors pour un volaille. Les démêlés d'une créatrice de publicité entre ses idées génialement farfelues et ses clients terriblement conservateurs. Un groupe de trois petites frappes découvrant leur véritable nature.

Mondialement reconnus et maintes fois primés pour leurs travaux, les publicitaires Sekuchi et Taku confirment leur talent créatif et tirent le meilleur profit de leurs expériences professionnelles passées. Au niveau du scénario, Taku développe plusieurs idées ayant très bien pu servir d'idées de base à des spots débridés. Ressemblant quasiment à un film à sketches, le scénariste entremêle les différents épisodes tel un Robert Altman (Short Cuts) ou - plus récemment - Paul T. Anderson (Magnolia) dans le cinéma américain, un sacré grain de folie en plus. Chaque histoire prend une direction radicalement opposée et regorge de rebondissements parmi les plus inattendus. Si les épisodes de la mort - (bien) - vivante, du couple des tueurs et de la famille au papa-poule sont plus volontairement des véritables exercices du style du non-sensique, les histoires de trois voyous et de leur coming-out et surtout celle de la créatrice de publicités sentent le vécu à plein nez. Du propre aveu du tandem, tous deux confirment avoir vécu maintes fois ce désagréable moment de présentation d'un spot original et débridé face à une audience plutôt modérée (ici représentée par un Sonny Chiba truculent !!!). Les fantasmes publicitaires intervenant régulièrement en cours du film sont d'ailleurs un véritable régal et autant d'idées abandonnées au cours de leur carrière, que le tandem s'est empressé à recycler dans ce film.

Pourtant, les différents épisodes ne sont pas de simples ébauches d'idées jetées en vrac sur la pellicule ; toutes les histoires se suffisent à elles-mêmes et ne sont reliées entre elles que par la géniale maîtrise de son instigateur. Aussi farfelues qu'elles soient, elles comportent leur lot d'émotion et de sincérité, permettant même des sous-lectures à plusieurs niveaux : Approfondissement du relationnel familial (papa-poule), l'amour à la mort (la revenante), le sens de notre vie (le couple des tueurs), l'oppression du Japon actuel par une certaine occidentalisation dictatoriale (les tueurs), … Derrière le délire visuel se cachent donc multitude de réflexions plus ou moins abouties témoignant de la maturité de ses créateurs. Une attention toute particulière est également accordé aux différents personnages. Portraits brillamment brossés en quelques traits, les protagonistes ne sont pourtant ni stéréotypés, ni caricaturaux ; tout mérite vient également des interprétations sans faille, à commencer par le cultissime Asano Tadanobu (Ichi the Killer) en passant par l'ancien joueur de foot anglais Vinnie Jones (Snatch) jusqu'à l'interprétation délirante d'Ittoku Kishibe en volaille égarée. Le casting comprend même la participation exceptionnelle du très grand Sonny Chiba, qui s'offre un rapide contre-emploi hilarant pour les moins inattendu.

Le succès doit bien évidemment beaucoup à son réalisateur, Gen Sekiguchi. Autre tête pensante de ce projet, il a su brillamment traduire en images les délires imaginées par son compère Taku et est pour beaucoup dans la conception du projet. S'entourant d'une équipe de fidèles collaborateurs ayant déjà travaillé avec lui par le passé, Sekiguchi aussi se réfère à son expérience acquise. Sa réalisation est franche et sans grandes fioritures ; il sait aller à l'essentiel en en minimum de temps. Recourant à quelques effets de style, il ne tombe pourtant pas dans le travers de ses confrères issus du monde des clips vidéos à base d'un sur-découpage façon MTV. Au contraire, Sekiguchi sait instaurer les différentes ambiances collant parfaitement à chacune des intrigues. Seule l'histoire mettant en scène Tadanobu contre le fantôme de sa femme vengeresse permet au réalisateur de se donner à cœur joie dans la surabondance des effets stylistiques et qui résulte d'ailleurs dans l'épisode le plus faible de la série de par sa répétitivité et de sa longueur inutile. A noter le travail tout à fait exceptionnel du chef décorateur Shun Yamaguchi, qui a créé tous les décors spécialement pour les besoins du film et a su parfaitement coller aux visions des instigateurs du projet.

Résultat d'un trop plein de créativité survoltée, Survive Style 5+ ne laissera personne indifférent. Reste à souhaiter, que Sekiguchi saura se renouveler suffisamment dans ses prochains métrages pour affirmer son talent certain. Au vue de la multitude d'idées plus ingénues les unes que les autres, il ne subsiste que peu de doutes à ce sujet.
 
Bastian Meiresonne