Titre
original:
Kedamono no
Ken |
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Réalisateur: GOSHA Hideo |
Année: 1965 |
Studio: Shochiku
Genre: Jidai-geki |
Avec:
HIRA Mikijiro KATO Go IWASHITA
Shima KIMURA Toshiei |
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Talent en germe
Après le coup d'essai
réussi et remarqué qu'était Trois Samourais hors la
loi, Gosha se retrouve au commande et au scénario de Sword of The
Beast, un film qui confirme sa personnalité à part dans le
monde du chambara. Loin de l'académisme empesé des produits de
studio avec leurs hordes de samouraïs intègres, Gosha est un grand
moralisateur pessimiste qui entraînera le genre dans de profondes
réflexions désabusées sur la condition du samourai et
in-extenso de l'homme et sa société. S'il n'atteint pas la
profondeur des grands sur-chambara qui font tout le prix du genre, Sword of
The Beast prolonge une réflexion et un univers singulier
aperçu dans sa première réalisation. Une uvre de
jeunesse qui porte les germes indéniables d'un véritable auteur
mais ne réussit pas pour autant à transcender son statut de film
de genre.
Simple trésorier d'un clan,
Gennosuke tue un de ses supérieurs dans un geste de révolte. Pion
délibérément sacrifié sur l'échiquier d'un
coup d'état fomenté par les forces souterraines du clan, le voici
désormais mis au ban d'un entourage qu'il croyait digne de confiance.
Poursuivi par ses anciens camarades, il devra fuir pour échapper
à la vendetta dont il est l'objet. Vivant dès lors comme une
bête traquée, il rencontre des compagnons d'infortunes avec
lesquels il liera connaissance. S'engage une lutte pour la survie et l'honneur
bafoué
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Sous un canevas en apparence
classique de film de sabre, Gosha perverti les habituels code du genre pour
mieux y insuffler son cynisme noir contre un système féodal
profondément injuste. Scepticisme aussi envers un code d'honneur
assimilé à un simple instrument d'asservissement. Mais loin
d'être cantonné à la critique d'une seule époque, la
diatribe de Gosha resterait tout aussi juste dans le cas d'une transposition
contemporaine. Le récit se concentre sur les personnages et leur
environnement plus que les situations qui n'ont ici qu'une présence
symbolique. Plus qu'une linéaire histoire de vengeance aux tenants bien
identifiés, Sword of The Beast se déroule sur le mode
passif. Nombreuses scènes d'attentes où Gennosuke se terre en
attendant l'inévitable.. Caches-caches mortels et rencontres fortuites
se déroulent dans un cadre naturaliste bien loin des étouffantes
conventions des palais. Gosha renforce cette ambiance en inscrivant ses
protagonistes au sein même de la nature qui imprime sa forte
présence à l'ecran. Souvent relégués en second
plan, cachés par les hautes herbes ou les rochers, l'homme
apparaît comme un animal de retour à un état primitif entre
forêt et rivière. La bande-son singulière met l'accent sur
l'aspect naturaliste du cadre notamment avec d'omniprésents et
entêtants chants d'oiseaux. La tension sexuelle primitive y est aussi
présente par l'intermédiaire de personnages féminins aux
désirs cachant de fourbes desseins (- La vie de samouraï ne dure
jamais bien longtemps, viens donc t'amuser un peu
) ou victimes de la
violence des hommes.
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Chaque personnage
représente un archétype, autant de façon de se comporter
dans le monde. Gennosuke, le personnage principal, incarne la lutte d'un
individu contre un groupe dans lequel il plaçait tout confiance. Dans la
séquence d'ouverture, il préfère la vie à l'honneur
lorsqu'il s'enfuie devant les troupes à ses trousses (- Gennosuke,
où est ton honneur de samurai ? - J'abandonne ma fierté et
fuit !).Ce motif de la fuite répété tout du long comme
pour mieux souligner le peu d'attachement au soit-disant honneur. Tout le
contraire du mari d'un étrange couple chargé, pour le compte du
clan, de piller les cargaisons d'or qui transitent dans les sombres
forêts où il se terrent. Plus que la richesse, ils sont
appâtés par la promesse d'un statut social de haut rang et d'un
honneur rayonnant. Lorsque sa femme sera pris en otage, il n'hésitera
pas à la sacrifier afin de conserver ses précieux lingots.
Gennosuke fera aussi la rencontre d'un besogneux chercheur d'or, ouvrier
volontaire d'un travail harassant aux aboutissants plus qu'hasardeux. Le
fustigeant tout d'abord pour sa passivité de prolétaire,
Gennosuke reviendra finalement goûter et apprécier un mode de vie
austère mais débarrassé du fardeau des obligations des
samouraïs. Désormais de l'autre coté du miroir, du
coté des exploités d'un système uni-centré,
Gennosuke affrontera ses anciens camarades enfermés dans le carcan de
leur clan où la notion d'amitié souffre d'inévitables
compromissions sous le poids de la pression sociale. Une lutte des classes,
où opprimés et opprimants suivent le fil d'un destin figé
se répétant immuablement, sacrifiant au passage ceux qui
voudraient bousculer l'ordre établi.
Un contexte historico-social
intéressant dont peine néanmoins à ressortir un vrai sens
tragique. La passivité du récit où l'intensité est
souvent désamorcée sans pour autant offrir un contrepoint
satisfaisant. Une multitude de personnages quelque peu caricaturaux qui diminue
d'autant la force d'identification à un protagoniste central finalement
peu développé. La mise en scène est indubitablement
soignée et singulière mais reste en deçà des
futures expérimentations du réalisateur : beaux mouvements
d'appareils, travail sur les ombres et leur projection métaphorique,
basculement du cadre pour symboliser un monde instable, cadrages
travaillés (travail sur les arrières plans). Chez Gosha, plus que
la rigueur et tension géométrique, c'est la vibration souterraine
qui importe. Or dans Sword of The Beast cette tension
déçoit, sans doute trop sage et manquant de
viscéralité, les beaux combats techniques apparaissent quelque
peu mécaniques et sans âme, les nombreux rebondissements
scénaristiques à l'arrière goût feuilletonesque, le
glissement vers le mélodrame plutôt que la retenue font
dévier l'ensemble vers un classique film de genre affadissant ainsi le
propos contestataire originel.
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Sword of The Beast
constitue donc dans une oeuvre d'apprentissage dans la carrière de
Gosha. La maturation d'un univers et d'une thématique,
l'approfondissement du langage et de la technique cinématographique.
Reste que l'ensemble impose une belle prestance et se dégage sans mal
des chambara académique de l'époque. Une uvre
originale qui confirmait le talent d'un cinéaste promis à un bel
avenir. |