Titre
original:
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Réalisateur: Oshii
Mamoru |
Année:
1992 |
Studio: Bandai
Visual Genre: Polar
surréaliste |
Avec:
Chiba Shigeru Ishimura Tomoko Tachiki
Fumihiko |
dre |
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Visions du cinéma
Talking Head est le
troisième long-métrage en prise de vue réelle de Oshii.
Après deux premières oeuvres ambitieuses mais fortement
décevantes, tant par un manque évident de moyens que par une
certaine maladresse derrière la caméra, Oshii fait preuve d'une
belle maturité cinématographique. Il réalise une
uvre singulière dont la thématique sur les
différents niveaux de réalités sera plus tard approfondie
dans son film Avalon (2001). Néanmoins Talking Head reste
avant tout un hommage au cinéma et une réflexion sur sa nature
profonde.
L'histoire raconte l'enquête
d'un détective embauché sur un plateau tournage afin d'y
retrouver des membres de l'équipe mystérieusement disparus. La
structure narrative est originale, le générique d'ouverture est
dilaté sur toutes la longueur du métrage. L'apparition de chaque
nouveau crédit (réalisateur, scénariste, monteur,..)
introduit une séquence dans laquelle le détective interroge la
personne en question. L'investigation proprement dite est vite mise en second
plan, le sujet de Talking Head étant la mise en abîme de la
notion de cinéma et des multiples points de vues qu'il suscite. On y
parle de rapport à l'image, des différences entre l'usage de la
couleur et du noir et blanc, du rôle de la bande son et du
scénario, des caractéristiques du film live et celui
d'animation. On y évoque aussi les origines du cinéma, de
l'influence des progrès techniques assimilés à une
trahison envers son esprit originel (Méliès est cité). Le
sujet est intéressant mais le film peine à trouver le ton juste
et ne fait que débiter des évidences. Cette approche auteurisante
s'épuise d'elle même vers le milieu de film ; heureusement par la
suite Oshii se re-concentre sur l'aspect policier du récit.
Le vrai mérite du
scénario est de motiver les digressions surréalistes qui font
tout le prix du film. Talking Head se déroule dans un lieu et une
époque indéfinis. La frontière entre réalité
et fiction est volontairement floue, renforçant ainsi l'ambiance
d'étrangeté. Le dispositif filmique contourne les limitations
inhérentes à un budget toujours aussi restreint. Oshii choisit
l'épure en se rapprochant de la représentation
théâtrale : les personnages sont comme prisonnier d'un espace (un
studio) où seuls les décors changent. Les déplacement
entre différents lieux s'effectuent dans une voiture immobilisée
sur le plateau, un écran faisant défiler le paysage.
Surréalisme et distanciation sont les maîtres mots, toute
proportion gardée, les films de Suzuki et Terayama viennent à
l'esprit. De par son sujet, son atmosphère et son détachement,
Talking Head évoque les polars des années 50/60. L'enquête
n'est jamais vraiment prise au sérieux, Oshii adopte une posture
distanciée afin d'y injecter des réflexions sur le réel et
le virtuel. Les différentes séquences sont filmées le plus
souvent en plan fixe, les mouvements de caméra sont rares. Le studio
peut être vu comme un lieu hanté, le dépouillement
théatral des décors leur donne un aspect irréel, une
lumière rouge déborde et innonde de toute part. L'étrange,
l'anormal viennent poindre sans prévenir. Un homme se détache la
tête, une arme (une caméra) "tire" à 24 coups par seconde,
des séquences d'animation s'invitent, une très belle
séquence de cabaret arrive sans crier gare.
Talking Head constitue une
belle surprise dans le paysage cinématographique japonais. S'il
n'exploite pas pleinement son postulat de base, une réflexion sur le
cinéma, il se transforme en un polar surréaliste où la
forme importe plus que le fond. Une approche originale qui permet de belles
idées, une mise en scène élégante qui cache bien un
faible budget, une jolie pirouette scénaristique finale font de
Talking Head une belle réussite. Un petit film trop bavard et pas
toujours maîtrisé, mais surtout un film sincère, original
et stimulant. |
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