Titre
original:
Tange Sazen:
Hien iaigiri |
|
|
Réalisateur: GOSHA
Hideo |
Année:
1966 |
Studio: Toei
Genre: Chambara |
Avec:
NAKAMURA Kinnosuke TAMBA Tetsuro AWAJI
Keiko KIMURA Isao |
dre |
|
Itération sans âme
Après son beau diptyque des
aventures de Kiba Okaminosule, Gosha se voit confier la réalisation d'un
nouveau volet de la série de Tange Sazen, un samouraï borgne
et manchot, figure rebelle vivant en marge de la société
féodale. Série phare du chambara débutée en 1928 et
comptant trente quatre itérations dont huit l'année même de
sa création, le personnage de Tange Sazen crée par Fubo Hayashi
fit tout d'abord les beaux jours du journal Mainichi Shimbun dès 1926.
Une série feuilletonesque basée sur un populaire mélange
de drame et de comédie dont peu de films semblent mémorables.
Connaissant sa profonde empathie pour les personnages en marge, la relecture du
mythe par Hideo Gosha suscitait donc de nombreux espoirs. Fait notable, ce
nouvel opus marquait aussi l'arrivée de la couleur chez le
cinéaste.
Cet épisode se voulait donc
comme un retour au source avec notamment la reprise du récit original
où l'appât d'une urne contenant un million de ryo
déchaîne les convoitises. Cette urne, véritable macguffin,
provoquera moults courses-poursuites où tout les moyens semblent bons
pour récupérer le magot. Se croiseront samouraïs, ninjas,
bandits, prolétaires dans un Edo des basses classes. Gosha juge bon de
rappeler la genèse du personnage dans un court prologue. Autrefois au
service d'un seigneur, Samonasuke se voit ordonner l'assassinat de Kojuro, le
fiancé de son amie Hagino, coupable d'espionnage au sein du clan.
Démasqué et feignant de vouloir mourrir dignement en se faisant
seppuku, Kojuro prend Samonasuke par surprise et l'éborgne.
Viendront d'autres hommes armés lui sectionnant le bras, croyant ainsi
mettre à l'écart ce personnage devenu gênant.
Désormais mis au ban de la société celui qui est devenu
entre-temps Tange Sazen vit comme un paria. Il se verra bientôt au centre
des convoitises lorsque la précieuse urne lui tombera entre les
mains.
Gosha se voit donc hériter
d'un récit plutôt atypique et d'un personnage haut en couleurs.
Interprété par Kinnosuke Nakamura, grande star du jidai-geki de
l'époque dont notamment la série des Miyamoto Musashi de
Tomu Uchida, l'acteur offre une prestation somme toute banale bien loin des
rôles marquants de Nakadai, Natsuyaki et consorts. Le récit
feuilletonesque brasse une foule bigarrée de personnages malheureusement
superficiels. Intrigues et corruptions de palais, complots des bas fonds, tout
ce beau monde se croise et s'agite autour du macguffin d'urne. Si le ton alerte
privilégie les péripéties et trahisons en tout genre, la
figure centrale de Tange Sazen hérite étonnamment d'une approche
psychologique peu approfondie qui constraste avec son riche potentiel
introspectif: le traitement superficiel de la relation volontairement distante
qu'entretient Tange Sazen avec un enfant orphelin fasciné par le
prestige et le pouvoir qui émanent de la figure du samouraï, les
retrouvailles vite expédiées avec Hogina son ancienne amie.
Absence de traumas et désirs de vengeance, l 'hédoniste Tange
Sazen incarne une figure iconoclaste quelque peu fade que Gosha aurait pu
assurément mieux exploiter. Reste que le récit ludique et les
nombreux combats bien exécutés maintiennent le film à
flot. Gosha évacue (presque) totalement les éléments de
comédie inhérents à la série et conserve une
salvatrice gravité sous jacente à l'intrigue. Quelques
éclats de violence et d'érotisme (superbe générique
d'ouverture) viennent rappeler la personnalité de l'auteur.
Si ce nouvel opus ne se distingue
donc pas fondamentalement des précédents Tange Sazen, la
mise en scène soignée fait la différence. L'abandon du
superbe noir&blanc voit l'arrivée de couleurs volontairement terne
comme pour rappeler l'ancrage grave et terrestre des hommes dans le monde.
Seuls de surprenants contrastes vifs viendront parasiter l'ensemble. La
technique soignée n'empêche pas trouver un manque de conviction de
la part du réalisateur : quelques mouvements de caméra
approximatifs et surcadrages purement gratuits dépareillent. On
retiendra surtout de beaux plans séquences, des travellings comme cette
la folle course autour de l'urne se concentrant sur l'intensité
cinétique des mouvements plutôt que leur lisibilité ou
encore des mouvements d'appareils entre les éléments du
décors comme pour mieux suivre les déplacements des
protagonistes
Agréable spectacle
malheureusement trop superficiel, Gosha semble ici en (bon) pilotage
automatique mais sa thématique cynique et désabusée si
précieuse s'efface totalement sous les attraits d'un pur serial
typique des studios. Faible succès en salle, les aventures du samourai
borgne et manchot furent mis au placard jusqu'à un récent (et
raté) revival en 2004. Gosha conscient qu'il s'engluait dans le carcan
de la Toei virera de bord et atterrira l'année suivante à la
Toho. Studio au sein duquel il aura les pleins pouvoirs et signera coup sur
coup deux uvres majeures (Goyokin et Tenchu! ) qui lui
offriront enfin une consécration pleinement
méritée. |
|