Titre
original:
Tetsuo |
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Réalisateur: TSUKAMOTO Shinya |
Année: 1988 |
Studio: Kaijyu
Theater Genre: Cyber Punk |
Avec:
TAGUCHI Tomorowo FUJIWARA Kei
KANAOKA Nobu ISHIBASHI Renji |
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Métal Hurlant
Après s'être fait la
main sur Phantom of the Regular Size et Adventure of Denchu Kozo
et activement participé à sa troupe de théâtre,
TSUKAMOTO réalise finalement son rêve de tourner son premier long
métrage. Une expérience haletante qui prendra plus de dix-huit
mois pour s'achever. Première synthèse de toutes ses obsessions
personnelles, TSUKAMOTO réalise une véritable uvre culte,
moins chaotique qu'elle n'y paraît au premier regard.
Un jeune couple renverse en
voiture un étrange homme ayant un morceau de métal enfoncé
dans sa jambe. L'abandonnant dans la forêt, ils prennent la fuite
après avoir fait l'amour devant la victime agonisante. Depuis, l'homme
du couple est proie à d'étranges visions et mutations : des
pièces métalliques transforment lentement et sûrement son
corps. Après avoir sauvagement assassiné sa fiancé, il
doit affronter son mystérieux adversaire fait de chair et de
métal.
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Si après plusieurs
années d'absence derrière la caméra, TSUKAMOTO
était resté sur un relatif goût d'amertume à cause
de l'échec ses projets personnels au début de ses années
universitaires, il avait néanmoins fait de forts progrès en
réalisant quantité de publicités professionnelles dans le
cadre de son travail. L'autre avantage fut de disposer de bon nombre de
bénévoles par le biais de sa troupe de théâtre qui
lui fournit également l'idée de départ des
scénarios. Phantom of the regular size partait d'une
improvisation répétée à outrance dans l'une des
pièces; Adventure of Denchu Kozo était carrément la
transposition directe et intégrale d'une autre pièce. Pourtant
à l'origine TSUKAMOTO voulait réaliser un tout autre sujet. Il se
portait dans l'idée de tourner un sujet érotique inspiré
des photos de l'artiste Bruce Weber, idée qu'il ne transformera sur
grand écran que bien plus tard sous le nom de Snake of June.
Ensuite, il était fortement intéressé par les nombreux
rapprochements entre la chair et le métal dans des magazines d'Art
Contemporain et par le futurisme italien. Prémisses du mouvement cyber
punk, il était fasciné par l'idée d'arriver à
fusionner les deux pour ne former plus qu'une seule matière organique.
Il rédigea tout d'abord un premier scénario sur un homme se
transformant en loup d'acier, pitch bien évidemment fortement
imprégné de l'univers manga. N'arrivant à aboutir à
un traitement satisfaisant, il se référa donc une nouvelle fois
à ses pièces de théâtre pour écrire une
variante dans la lignée de ses deux précédents
métrages. La prolongation en est troublante. En apparence une folle
uvre punk underground reposant largement sur une expérimentation
de l'image poussée à l'extrême, TSUKAMOTO y aborde nombre
d'obsessions que seule sa filmographie à venir permettra
véritablement de déchiffrer.
Il ne faut pas oublier que
Tetsuo constitue le premier long métrage véritablement
pensé pour une exploitation en salles alors que son tournage
était encore celui d'une production à 100 % indépendante.
Réalisé pour la première fois avec une caméra 16 mm
(alors que tous ses précédents avaient été
tournés en 8 mm), TSUKAMOTO doit tout reprendre à zéro
pour appréhender la meilleure façon de filmer. Son équipe
constituée uniquement de bénévoles amateurs et le
réalisateur s'appropriant tous les postes clés, le tournage
n'avance que lentement pour finalement se terminer que dix-huit mois
après les débuts de prises de vues. Bien évidemment, la
quasi totalité de l'équipe technique de départ
déserta le plateau au fur et à mesure du temps, obligée
d'assurer leur propre vie. De nombreuses frictions naquirent entre les acteurs
qui se lassaient de la longueur du tournage. Sans compter le fait
qu'après quelques mois de tournage, TSUKAMOTO se trouva lui-même
à court d'argent, incapable de pouvoir acheter de la pellicule pour
continuer le tournage. Heureusement, il trouva de l'aide par
l'intermédiaire des producteurs F2 qui le mettant en contact avec le
distributeur de vidéos Japan Home Video lui avançèrent
l'argent nécessaire pour terminer le film moyennant les droits de la
future diffusion vidéo. Toutes ces difficultés
n'empêchèrent pourtant pas le réalisateur d'arriver
à ses fins en usant de nombreux artifices et astuces pour mener à
bien son ambitieux projet.
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Pour marquer le prolongement de
ses deux précédentes uvres, TSUKAMOTO introduit le film par
la mention "Série de monstres grandeur nature" déjà
présent an début de Phantom et Adventure of Denchu
Kozo. Se référant à son fort amour pour les kaiju
eiga (film de montres à la Godzilla), il rend ici un singulier
hommage détourné (présence du thème de la mutation,
personnages assimilables à des kaiju à taille humaine). De
même, il conclut son générique de fin par un "Game Over" en
référence aux jeux vidéo prenant de plus en plus d'ampleur
dans la société nipponne des années '80s et auxquels la
structure de ses films pourrait faire penser. Outre ses clins d'il
personnels, Tetsuo cite ouvertement ses précédentes
réalisations. La longue scène de poursuite de l'employé
par la femme monstrueuse dans le métro tokyoïte est directement
repris de Phantom. Plus évidentes sont les
références à Adventure of Denchu Kozo. Non
seulement des extraits du film passent sur la télé en
arrière-plan en début de Tetsuo, mais la scène d'amour du
couple dans la forêt est directement inspiré d'un film passant -
lui aussi - à la télévision dans Adventure of Denchu
Kozo Ensuite, la première véritable apparition de Yatsu (ou
"le fétichiste" crédité en français, alors que la
traduction littérale serait "un mec") se fait aussi sur fond de passage
à la télévision d'un autre extrait du même
Adventure of Denchu Kozo - pile au moment de la boule de feu qui marque
la naissance du super-héros Denchu. Le dialogue à ce moment entre
les deux hommes est d'ailleurs éloquent : "C'est fantastique, tu n'es
pas mort !". Mais au lieu de constituer le retour de Denchu dans de
nouvelles aventures, le personnage de Yatsu n'a finalement pas grand chose
à voir avec le précédent super-héros. Il ne dispose
pas de poteau électrique lui poussant dans le dos et est finalement le
bad guy de la présente histoire. Autre différence notable, si
Adventure of Denchu Kozo était avant tout une histoire de
vampires (les méchants alimentaient une mystérieuse machine
à base de sang versée à une vierge), Tetsuo est
celle de morts-vivants. Contaminés par du métal (semblable
à une morsure), les personnages se mettent à agir comme des
zombis (telle la femme dans le métro, puis la fiancée de
l'employé en se réveillant dans la baignoire). En revanche, la
bataille finale à base d'animation image par image ressemble à
s'y méprendre à la fin de Adventure of Denchu Kozo (une
technique qui n'est pas sans évoquer les travaux de Jan Svankmajer) Il
poursuit également le thème du dépassement de soi, un
employé totalement anonyme devenant une sorte de super-héros
invincible. S'il est victime de sa propre transformation en début du
film et est obligé de sacrifier sa femme pour assumer sa parfaite
transformation. Il semble bien maladroit en explorant ses pouvoirs (il ne peut
s'arrêter dans sa folle course poursuite qu'en se cognant contre le mur
d'une usine; il est livré sans merci aux attaques de son ennemi) mais
finira par devenir une superbe arme de guerre, solide base combinée
à la vitesse de son ancien adversaire.
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TSUKAMOTO décrit
également l'oppression toute kafkaïenne de la ville en faisant
évoluer ses personnages dans les dédales étroits du
métro, passant à toute vitesse dans une banlieue
résidentielle ou les inscrivant dans de menaçantes usines
désaffectées. Il enferme ses personnages dans le cadre ne leur
laissant aucun espace pour respirer, ni de moyen à s'évader - une
récurrence dans son uvre, particulièrement soulignée
dans "Tetsuo 2. La présence féminine n'est pas
particulièrement forte. Au contraire, les personnages féminins
sont tous deux des victimes ne pouvant s'attaquer aux hommes qu'après
être revenus d'entre les morts. En revanche, toutes deux sont fortement
sexualisées (plus particulièrement la fiancée). Ne pouvant
réprimer sa folle envie de faire l'amour en abandonnant l'inconnu
renversé dans la forêt (une réaction psychologique typique
de nombreux cas de tueurs en série, ayant le fort besoin de se
satisfaire sur les lieux même de leurs crimes), elle se livre
également à une folle séance de sexe avec son
compagnon
jusqu'à en mourir ! Si TSUKAMOTO n'avait pu
réaliser son projet de film érotique, il met pourtant beaucoup
d'importance à cette scène clé quant à la suite des
événements (départ de la transformation complète de
l'employé).
Toute l'uvre de TSUKAMOTO
est empreint de forts éléments autobiographiques; Tetsuo
ne fait pas exception à la règle. Non seulement, il explore une
nouvelle fois le thème du parfait anonyme qui deviendra fort par la
force des choses (reflet de la propre envie de Shinya de sortir de l'anonymat
en faisant l'acteur ou projetant ses films d'enfance devant un public), mais il
incorpore également de troublants personnages féminins
(réminiscence de sa mère, avec laquelle il entretenait un fort
rapport oedipien) et la brève apparition d'une figure paternelle. Cet
homme roue le personnage de Yatsu de coups, souvenir empêchant le jeune
homme d'arriver au bout de son adversaire. Troublante évocation qui
pourrait trouver son explication dans le rapport difficile qu'entretenait
TSUKAMOTO et son père après qu'il ait abandonné un travail
stable pour se lancer dans la réalisation. Finalement, le simple
employé arrivera à prendre le dessus sur son ennemi. S'il ne
maîtrise encore ses pouvoirs, il compense par son intelligence face
à la nonchalance de son jeune adversaire (au lieu de contre-attaquer, il
fait tout simplement un pas de côté pour que l'autre
s'échoue lamentablement dans un tas de ferraille). Yatsu raille
l'employé de ne pas être une parfaite machine pour avoir
goûté à un rasoir en "inox"; or cet acier inoxydable vaut
évidemment mieux que du métal ou du fer, tous deux à
même de rouiller. Forcément, l'employé dispose d'une
longévité et résistance plus importante, que son
adversaire fait de simple métal. Leur fusion est intéressante
à plus d'un titre. Pires ennemis auparavant, leur "union fait la force"
et les mène sur le chemin de la guerre. Une métaphore sur les
machines militaires faites d'"inox" (l'employé constitue le
véhicule alors que le jeune nonchalant est l'arme par extension). A
noter, que cette fin a dû clairement inspirer Takashi Miike pour le final
de Dead or Alive 3.
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Parfaite prolongation de ses deux
précédents productions, TSUKAMOTO régurgite
quantité de références littéraires (le cyber punk;
la science-fiction d'anticipation), artistiques (le futurisme italien) et
filmiques (Lynch, Raimi, Cronenberg, Cameron, Terayama, Sogo Ishii,
) dans
un étrange film expérimental fait de bruit et de fureur,
remarquable par son N&B contrasté au grain prononcé et son
oppressante bande-son métallique de l'artiste bruitiste Chu ISHIKAWA. En
fait, TSUKAMOTO procède la même manière que pour la
rédaction de ses pièces de théâtre : il reprend une
même idée de base pour lui faire subir nombres de variations;
l'univers décrit reste le même, mais l'intrigue prend
d'étranges tournures tarabiscotées pour ne finalement plus se
ressembler. Ainsi ses futurs métrages - le projet de commande
Hiruko exempt - reprendront les mêmes thématiques pour les
inclure dans des intrigues toujours différentes mais toutes
interchangeables entre elles. D'une rare maîtrise pour un premier film,
Tetsuo a le mérite de constituer la base d'un véritable
univers au lieu de n'être qu'une simple expérience autiste
démonstrative de ses talents de metteur en scène.
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