Titre
original:
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Réalisateur: TSUKAMOTO Shinya |
Année: 1992 |
Studio: Kaijyu Theater
Genre: Cyber
Punk |
Avec:
TAGUCHI Tomorowo KIM Sujin KANAOKA
Nobu TEZUKA Hideaki |
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Killing Machine
Nullement affecté par
l'échec cuisant de son précédent Hiruko dû au
mauvais choix marketing des studios de la Shochiku, TSUKAMOTO retourne
auprès des siens pour activement préparer la suite de son premier
grand succès Tetsuo. Plus qu'un simple remake en couleurs,
Tetsuo : The Bodyhammer" est un étonnant et mature prolongement
de ses réflexions sur le for intérieur de l'homme ainsi que les
rapports entre la chair et le métal.
TANGUCHI Tornoo est un simple
employé et père de famille dont la vie bascule le jour où
des malfrats kidnappent son fils sans raison apparente. Voulant se
prémunir contre d'autres attaques du même type après avoir
récupéré son rejeton, TANGUCHI entame des séances
de musculation pour se forger un corps d'homme. Lors d'une seconde tentative
d'enlèvement, le père de famille est amené dans une usine
désaffectée où il sert de cobaye à une série
d'expériences liant la chair au métal. Le maître des lieux,
YATSU, tente de créer une armée d'hommes surpuissants pour
prendre le contrôle de la Terre. Mais TANGUCHI - transformé en
véritable machine à tuer - arrive à s'échapper et
à courir une véritable vendetta pour se venger.
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Parallèlement au tournage
du projet commercial de commande Hiruko, TSUKAMOTO avait chargé
de fidèles collaborateurs bénévoles à entamer des
repérages pour un éventuel futur tournage de la suite des
aventures de Tetsuo. Aussitôt les prises de vue du film pour
enfants terminées, il s'attèle donc à sa nouvelle
production indépendante et personnelle. Ayant fait d'énormes
progrès dans la réalisation en ayant été largement
soutenu et encadré sur le tournage de Hiruko, il retombe pourtant
dans ses anciens travers en voulant à nouveau occuper tous les postes
clés. Pourtant fort d'une équipe d'une soixantaine de personnes,
les prises de vue vont une nouvelle fois se traîner en longueur pour
finalement durer plus d'un an. A court d'argent, TSUKAMOTO ne doit son salut
qu'à la seconde intervention de l'équipe de F2 le
présentant aux exécutifs de la TOSHIBA EMI. Ces derniers lui
donnèrent une avance sur recettes suffisante pour achever le tournage
malgré un nouveau départ massif de bon nombre de
bénévoles dans l'incapacité de sacrifier autant de temps
à un tournage. TSUKAMOTO passera énormément de temps sur
le montage du film, modifiant encore des séquences après la
sélection du film à plusieurs Festivals. Malgré la
ribambelle de prix attribués, le réalisateur ne s'avoue toujours
pas satisfait de la version actuelle.
Pourtant le film est d'une
excellente qualité et TSUKAMOTO a indéniablement mûri. Plus
qu'une simple relecture, Body Hammer est basé sur un thème
similaire mais plus réfléchi et débarrassé des
quelques tares visuelles purement gratuites du précédent volet .
TSUKAMOTO justifie son choix de tourner ce second opus en couleurs pour se
différencier radicalement du premier. S'il pensait avoir fait le tour de
la question sur le rapport particulier qu'entretiennent la chair et le
métal; il ne cessa d'y repenser pendant le tournage de Hiruko
afin de pouvoir aborder la même thématique sous un angle nouveau.
Tetsuo racontait la délirante histoire d'un employé
anonyme, qui - contaminé par le métal et provoqué par un
étrange adversaire agressif - se transformait guerre par la force des
choses en une espèce de machine de guerre. Victime et impuissant, il
avait dû subir sa propre transformation. Seul le combat mené
contre son étrange adversaire compléta sa mutation et fusion pour
finalement ne plus former qu'une seule et même entité. Tetsuo
2 semble en apparence raconter la même mais les causes en sont
radicalement différentes. L'employé TANGUCHI est un individu
parfaitement banal qui assiste impuissant au kidnapping de son fils. Il ne peut
intervenir à cause de sa constitution chétive et ne doit
finalement le salut de son fils (et de sa propre vie) que grâce à
l'intervention héroïque de sa femme (LE personnage récurrent
chez TSUKAMOTO). Pour remédier à cette humiliation et
prévenir d'autres situations semblables, l'employé se met donc au
body-building. Activité férocement en vogue dans les
années 80 (notamment popularisés par les gros muscles d'Arnold
Schwarzenegger ou Sylvester Stallone sur grand écran), TSUKAMOTO dresse
un premier parallèle troublant entre le métal (les appareils de
musculation) et la chair (musclée par l'intervention desdits appareils,
la rendant "dur comme fer" ou donnant des "muscles d'acier"). Humilié et
provoqué par un événement extérieur, TANGUCHI sera
la première figure à réagir d'elle-même pour combler
cette relative faiblesse. Mais ce soubresaut ne suffit pas à en faire un
homme accompli. Par l'impitoyable intervention du scénariste TSUKAMOTO,
l'employé devra faire le sacrifice suprême de son propre enfant
pour continuer sa transformation. Son fils assassiné, sa femme
détenue, TANGUCHI sera soumis à une série de tests
éveillant l'animal en lui.
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Ce n'est que lorsque les malfrats
s'en prennent à ses souvenirs personnels qu'il réagira avec
violence. Nul besoin de lui faire de greffes artificielles à base de
pièces métalliques, de simples évocations insupportables
aux yeux de l'homme suffisent à déchaîner en lui une rare
force violente (idée s'exprimant par l'éclosion d'une
mitraillette sortant directement de son torse, un emprunt au revolver extrait
du ventre de James Woods dans Videodrome de Cronenberg). Une superbe
illustration de TSUKAMOTO qui met ainsi en scène la théorie
largement répandue selon laquelle l'humain est capable de
démultiplier sa force à l'infini face à certaines
situations extrêmes (préserver sa propre vie ou celle d'un
proche). L'homme devient par conséquent une véritable machine
à tuer uniquement sur un ordre mental. Plus encore, TSUKAMOTO renvoie ce
déchaînement des forces occultées à l'agression des
mémoires d'enfance. L'autobiographie étant une récurrence
chez lui, il n'est donc pas étonnant d'assister à des renvois aux
souvenirs de ses personnages. La première intervention a lieu lors du
déclenchement de la première crise de TANGUCHI. YATSU intervient
directement sur son "cerveau en état calme et paisible" montrant le
père et son fils jouant dans une prairie verdoyante (ce traitement de
l'image sera directement repris par MIIKE dans Ley Lines,
décidément très influencé par l'uvre de
TSUKAMOTO). Lorsque les malfrats interviennent sur ses souvenirs en laissant
échapper le garçon sans que le père ne puisse le suivre,
TSUKAMOTO fait apparaître soudainement en arrière-plan une grosse
cheminée fumante d'une usine. Une nouvelle fois, il rapproche un
sentiment d'insécurité et d'oppression directement à
l'industrialisation ou l'urbanisme. Le "cauchemar" continue d'ailleurs
directement dans les dédales labyrinthiques d'un immeuble au
centre-ville de Tokyo, enfermant littéralement le personnage
paniqué dans l'image. En plus de l'évocation de souvenirs,
l'intrusion d'éléments urbains constituent aussi une source de
profond mal-être au sein de la filmographie de TSUKAMOTO. Autre
idée perverse: la fabrication de faux souvenirs propres à
accentuer la violence du héros. Pour cela, YATSU implante les images
d'une sexualité débridée dans le cerveau de TANGUCHI. La
scène où TANGUCHI fait sauvagement l'amour à sa femme en
pointant un revolver sera évidemment en lien direct avec le surprenant
final, mais également une référence à un pinku eiga
(film érotique), qui se basait sur l'histoire d'un homme incapable de
jouir autrement qu'en pointant sa partenaire avec arme à feu. Enfin,
l'étonnante évocation de souvenirs profondément enfouis
dans le subconscient de TANGUCHI délivrent finalement la clé de
son soudain réveil à la violence. Une explication peut-être
un brin trop lourdement démonstrative par rapport à ce que
l'intrigue avait déjà largement laissé sous-entendre.
Ce constat sera l'illustration de
la portée et du danger de l'endoctrinement. Des responsables sont
désormais capables d'influer sur le conscient de leurs contemporains et
d'en faire une arme de destruction massive. YATSU s'entoure d'une armée
d'hommes (aux crânes rasées pour faciliter d'autant plus
l'identification à un épisode militaire historique
) qui
seront finalement non pas conditionnés par la mise au point d'un
sérum, mais par l'intervention directe d'une machine de guerre (TANGUCHI
transformé) se branchant à leurs cerveaux à l'aide de
tuyaux tentaculaires. Etonnante séquence directement empruntée au
monde des mangas où TSUKAMOTO sait pourtant merveilleusement illustrer
cette métaphore (voir le rapide furtif d'un ftus agitant la
tête en même temps que l'armée fraîchement
constituée).
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La conclusion achève
finalement ce véritable pamphlet satirique anti-militaire en montrant un
TANGUCHI transformé en une machine de guerre avançant dans les
rues vides de Tokyo, sa femme se tenant à ses côtés. La
séquence finale montrant la famille réunifiée devant les
ruines d'une ville dévastée renvoie de nouveau à
l'idéologie punk et anarchiste des folles années d'étude
du réalisateur. Une étrange conclusion qui tout en
dénonçant l'endoctrinement militaire promeut la force destructive
régénératrice. Ce sera cette même idée qui
constituera l'idée de départ de Tokyo Fist. Tetsuo
2 est donc moins un simple remake en couleurs que le prolongement d'une
réflexion même autour de la violence. Alors que dans l'opus
précédent, TSUKAMOTO développait l'influence du
métal sur la chair comme celle de l'environnement extérieur sur
un homme, il s'intéresse cette fois davantage à l'incidence
néfaste des hommes sur leurs prochains, le métal servant ici
comme métaphore d'une arme. Plus soignée, cette uvre est
également infiniment plus réfléchie et mature et constitue
le point de départ de scénarios véritablement
fouillés de la part de TSUKAMOTO où le fond prime finalement sur
la forme. |