.Tokyo Psycho
 
Titre original:
Tokyo densetsu: ugomeku machi no kyouki-
   
Réalisateur:
OIKAWA Atarui
Année:
2004
Studio:
Take shobo
Genre:
Horreur
Avec:
CHIHARA Seiji
HAYASHI YukaKOTEI KOKUBU Sachiko NAKAMURA Mizuho

Traquée

Personnage emblématique d’un certain cinéma subversif, le serial-killer/raper occupe de longue date une place de choix au sein de la production nippone. Une présence déjà fortement marquées dès les années soixante dans des  œuvres fondatrices du pinku transgressif (on citera Hunter’s Diary de Nakahira en 1962 ou encore Ryukusho renzoku shasatsuma de Adachi en 1969). La fin des années soixante-dix ainsi que l’entame des années quatre-vingt verront une notable inflation outrancière du sujet, dépassant  a plusieurs reprise la frontière du scabreux (Rape 13th hour, divertissement douteux de Hasebe lançant la vague violent pink , l’hallucinant Serial Rapist de Wakamatsu en 78 et le non moins scandaleux Renzoku 23 jikan satsuma de Nakamura en 1983). La composante asociale de ce personnage psychotique sera bientôt  encore plus mis en exergue en suivant la déviance du phénomène Otaku qui vaudra à l’archipel quelques faits divers particulièrement macabres qui inspireront en particulier le célèbre Flowers of Flesh and Blood de Hino  ou encore la trilogie des All Night Long de Matsumura. L’arrivée du nouveau siècle ne change en rien la donne, et nombres de ces productions ciblées continuent d’atterrir sur les écrans ou le plus souvent en direct-to video. Le temps passant, on peut observer un glissement progressif dans la peinture de ce personnage récurrent ; moins en mettant l’accent sur une approche  sèche et réaliste qu’en s’acoquinant avec certains apparats ‘cultes’ appuyant les dérives gores (Ichi the Killer) ou en le sondage de la psyché torturée du sujet (Neighbour 13).

Réalisateur déjà ghettoisé dans le genre horreur avec le raté Tomie tiré d’un manga de Junji Ito, Ataru Oikawa s’attèle au sous-genre avec Tokyo Psycho, une production au budget restreint faisant le pari de l’esthétique DV. Plutôt que d ‘orienter son regard vers le psychopathe, Oikawa renverse son point de vue en s’attardant sur sa jeune et jolie victime conférant à l’ensemble une tonalité oppressante de thriller. Le film assez court (mais pas dense pour autant) adopte une structure classique toute en opposition, une première moitié relativement calme laissant bientôt place aux excès dégénérés de l’individu. L’entame de film se focalise donc dans la mise en place d’un univers réaliste en dépeignant le quotidien banal de Yukiko qui reçoit un jour une inquiétante lettre anonyme, réminiscence d’un passé de lycéenne pas tout à fait éloigné. Loin de renforcer une certaine approche réaliste, l’esthétique vidéo bien trop lisse plombe le film en capitalisant sur tous les tics visuels&sonores déjà maintes fois vu dans les V-productions.   Mal aidé par un canevas indigent, Oikawa se repose sur les mécanismes simplistes de la persécution : quelques moments voulus chocs brisent un semblant d’enquête policière et autres discussions d’appartements. Bien trop téléphonées et simplistes, ces simples et rares vignettes prêtent à sourire tant la naïveté du projet est flagrante. Si Oikawa tente par instant d’insuffler un climat pesant, jamais il n’arrive à son but tant la mise en scène désamorce toute ambiance : des plans fixes incapables de faire ressortir la tension, de maladroites caméra tanguantes pour simuler la menace extérieure, des angles tordus pour le seul plaisir des yerux, des nappes sonores aux effets chocs mille-fois entendu. Le pire étant sans doute ce scénario paresseux qui alterne causettes insipides et résurgences naïves de légendes urbaines occultant toute construction et maturation psychologique indispensable au processus de l’angoisse.

Dans sa seconde partie, Tokyo Psycho présente enfin le persécuteur au portrait encore une fois très cliché. Enrobés d’une psychologie de bazar s’orientant vers le trauma d’enfance, les personnages stéréotypés  ne viennent à aucun moment relever la terreur de pacotille distillée par le réalisateur.  Si le récit s’énerve un peu sur la fin , la superficialité n’en est pas moins grande. Recourant à des extérieurs sauvages et à lumière naturelle (maladroits effets de lens-flare et autres caméra tremblantes), Oikawa semble enfin vouloir insuffler un peu de rage viscérale à son travail. Las, les gesticulations et autres regards hystériques respirent le cabotinage. Film finalement très peu violent ou pesant, l’accent mis sur la suggestion et la tension est constamment désamorcé et contredit par un univers superficiel. Les quelques effets chocs tombants à plat et l’approche naturaliste de la fin de film, certes plus efficace, manquant singulièrement de puissance brute et de violence psychologique achèvent de faire de Tokyo Psycho un produit sans intérêt aucun et de démontrer qu’ une formule bien rodée ne peut en aucun cas se substituer à un vrai talent de mise en scène.

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Martin Vieillot
Tokyo Psycho est disponible chez Panik House