Titre
original:
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Réalisateur: TSUKAMOTO Shinya |
Année: 1995 |
Studio: Kaijyu
Theater Genre: Drame |
Avec:
FUJII Kahori TSUKAMOTO Koji
TSUKAMOTO Shinya TAKENAKA Naoto |
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Le dernier combat
Tokyo Fist marque les
retrouvailles familiales des deux frères TSUKAMOTO. Partis chacun de
leurs côtés après le lycée, la vie les réunit
de nouveau en inspirant à Shinya les bases de son nouveau
scénario, puis en attribuant à Koji le premier rôle.
Triangle amoureux sur fond de boxe et - surtout - d'un urbanisme de plus en
plus écrasant, TSUKAMOTO continue à pousser plus loin ses
investigations sur le tréfonds de l'homme tout en maltraitant toujours
autant la forme de sa mise en scène.
Tsuda est un banal employé,
fiancée à l'énigmatique Hizuru. Totalement absorbé
par leur monotone quotidien, leur couple bascule le jour où le boxeur
Tajuki fait son apparition pour tenter de séduire la jeune femme. Tsuda
se met alors également à pratiquer le sport de combat, afin de
confronter son nouvel adversaire lors d'un ultime match de boxe.
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Les prémisses du
scénario de Tokyo Fist ont été inspirés
à TSUKAMOTO par sa propre famille. Son frère Koji avait
quitté relativement tôt le domicile familial pour suivre à
la fois des stages pour devenir cuisinier et pour tenter de passer boxeur
professionnel. Après quelques matchs éprouvants, il avait
abandonné cette dernière idée, avant d'y songer de nouveau
en préparant un possible retour. La mère TSUKAMOTO
s'inquiétait à juste titre de cette volonté
redoublée de son dernier rejeton à vouloir retourner sur le ring.
Shinya a donc eu l'idée d'exploiter ce point de départ en
extrêmisant la voie de la violence pour un futur long-métrage. Il
propose immédiatement à son frère d'y tenir le rôle
principal et passe énormément de temps en sa compagnie pour
apprendre davantage sur le monde de la boxe. Voulant cette fois éviter
de chercher à tout faire et souhaitant s'impliquer davantage dans son
jeu d'acteur, il fait appel à SAITO Hisashi (scénariste de
Chaos et réalisateur de Sunday Drive) pour le seconder
dans son travail de mise en scène et d'écriture du
scénario. Leur collaboration se passe mal, SAITO s'éloignant
énormément de l'idée première de TSUKAMOTO et
refusant de changer quoique ce soit à son traitement. D'un commun
accord, les deux hommes rompent leur collaboration, mais Shinya conserve tout
de même l'idée du triangle amoureux.
Ainsi est née cette
étrange uvre totalement en phase avec le travail
précédent du réalisateur. Si sa patte est
immédiatement reconnaissable entre toutes en revenant à la mise
en scène énergétique et enragée de ses
débuts (incluant de nombreuses séquences expérimentales et
quelques animations image par image), TSUKAMOTO met un soin tout particulier
à progresser également au niveau de son écriture. Plus
mature, s'attachant désormais davantage à ses personnages, il
creuse toujours plus en avant les tréfonds de l'âme humaine, tout
en poursuivant l'approfondissement de ses principales thématiques.
Jusqu'à présent, le cinéma de TSUKAMOTO était avant
tout un cinéma basé sur la sensation, les personnages
bénéficiait de peu d'attention quant à leur être.
Histoires répétées d'individus rejetés par leurs
pairs, qui deviendront finalement de véritables héros en se
dépassant pour sauver le monde, leur description se faisait
essentiellement par leurs actions (Adventure of Denchu Kozo et
Tetsuo n'étaient finalement qu'une mise en images de la mutation
du personnage principal, Hiruko et Tetsuo 2 creusaient davantage
les traumatismes d'enfance, mais s'arrêtaient à cette lecture
superficielle pour mettre une nouvelle fois en avant la forme du sujet
traité). Dans Tokyo Fist, TSUKAMOTO insuffle les
véritables premiers états d'âme à ses personnages et
s'engouffre justement dans cette voie pour en apprendre davantage par le biais
de l'énigmatique personnage de Hizuru qu'il finit par désincarner
complètement.
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Une nouvelle fois, le
réalisateur dépeint ses personnages comme des marginaux
malgré eux. Tajuki est rejeté par ses comparses du club de boxe
parce qu'il est incapable de participer à des vrais matchs de boxe.
Tsuda est le parfait employé modèle, anonyme dans la grande
ville, affalé tous les soirs devant le poste de télévision
en compagnie de sa femme. Tous deux vont se transcender (poussés par une
femme), non pas pour sauver le monde, mais pour régler un
différend entre eux. TSUKAMOTO n'invente donc plus de scénario
farfelu pour justifier leur acte, mais extrêmise une simple raison de
discorde donnant aux deux hommes une raison de vivre. Tajuki, dans le seul but
de conquérir la femme de son ancien meilleur ami puis pour
espérer gagner le courage suffisant pour pouvoir monter dans le ring.
Tsuda pour assurer la défense de l'être qui lui est le plus cher
puis pour vaincre son prochain (et ainsi sortir de son anonymat). Ces objectifs
n'iront pas sans payer le prix fort - celui de la douleur. TSUKAMOTO prend ces
généralités comme points de base pour illustrer le
récit et prolonger ainsi sa propre fascination pour la violence.
Alors que les hommes avait
trouvé une raison de vivre, TSUKAMOTO sacrifie son personnage
féminin. Pivot central, il en avait fait L'élément fort
dès sa première apparition (elle dit à son mari qu'il
pourrait très bien rester à la maison puisqu'elle gagne
suffisamment d'argent avec son travail pour les nourrir tous deux). En une
seule phrase, TSUKAMOTO affirme sa supériorité par rapport
à son mari. En revanche, il en fait une chose asexuée (TSUDA
constate simplement qu'ils ne font plus l'amour) puis une sorte de
poupée désincarnée. Prise entre deux feux, elle tient un
rôle forcément passif en attendant l'issue du "combat", telle une
balle de ping-pong renvoyée de l'un vers l'autre en fonction de
l'avancée de la situation générale. Elle devient tellement
insensible qu'elle commence à se mutiler par le biais de tatous et de
piercings, un moyen également d'attirer l'attention ou le regard
d'autrui par sa différence. Alors que les deux hommes ressentet de la
douleur par le biais des coups s'échangent, elle n'en éprouve
aucune lorsqu'elle se transperce la chair (elle continue d'ailleurs à se
piercer toujours davantage, son mari restant sourd à ses oppressantes
demandes de la frapper pour - enfin - pouvoir connaître la douleur). La
représentation des coups est forcément exagérée par
un TSUKAMOTO survolté. Fable onirique, les coups deviennent autant de
métaphores par rapport au changement physique et mental de ses
protagonistes; ils "s'en prennent plein la gueule" pour arriver à leur
fin et la boxe n'est que l'illustration de leurs efforts.
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L'autre personnage principal du
film est indéniablement la ville (de Tokyo). Filmée comme jamais,
TSUKAMOTO lui attribue finalement une première importance. Jamais encore
les hauts immeubles n'avaient semblé aussi opprimants (la
première séquence du film est un rare exemple de la parfaite
maîtrise du réalisateur). Appartements filmés comme des
ruches d'abeilles ou une fourmilière, gratte-ciel obstruant totalement
l'horizon (donc toute notion d'espace, de liberté et d'évasion),
les personnage sont littéralement écrasés par l'imposant
poids du béton qui déborde dans l'image. L'apathie de Tsuda est
clairement conditionnée par l'oppression de cet univers carcéral;
ses longues déambulations à l'air libre n'ont aucunement l'effet
libérateur recherché mais sont - au contraire - la cause de son
profond malaise. Seul espace moins opressant : le point de rendez-vous
donné par TSUDA à sa femme sous le pont d'une autoroute. Au champ
de vision plus approfondi se rajoute la présence de la voie rapide
au-dessus de leurs têtes, qui constitue comme un échappatoire vers
d'autres cieux
mais inatteignable de là où ils se trouvent.
Seul le ring permet cette évasion : les personnages peuvent sautiller,
évoluer (mais toujours dans un espace confiné), laisser libre
cours à leur rage contenue. Ils retrouvent ainsi leurs instincts
primaires que la ville citadine leur enlève au quotidien. TSUKAMOTO ne
cessera d'explorer cette métaphore ambiguë de l'univers
carcéral que constitue cette imposante présence bétonneuse
qui paradoxalement semble rassurer le cinéaste amoureux des grandes
villes. Intéressante évolution au sein de la filmographie du
réalisateur, il arrive superbement à concilier son inimitable
style visuel avec l'écriture de scénarios de plus en plus
exigeants et basés sur ses interrogations personnelles.
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