.Torn Priestess
 
Titre original:
Onna Gokumon Chou: Hikisakareta Nisou
   
Réalisateur:
MAKIGUCHI Yuji
Année:
1977
Studio:
Toei
Genre:
Exploitation
Avec:
TAJIMA Haruka
MAYA Hiromi
SERITA Kaori
FUJI Hiroko
dre
Delirium 

Longtemps cantonné au rôle d’assistant-réalisateur de la Toei, Yuji Makiguchi trouva finalement sa place derrière la caméra dans la seconde moitié des années soixante-dix. A l’occasion de productions tentant désespérément d’insuffler une nouvelle dynamique pour succéder à la vague Pinky-Violence déclinante, Makiguchi alla marquer de son empreinte une inflation exploitationiste révélatrice de la politique d’un studio en pleine crise. Déjà auteur d’un fameux Oxen Split Torturing (76) remettant au goût du jour la série Tokugawa d’une manière toujours plus sanglante et gratuite, il signe avec Torn Priestess (77) un film emblématique de la déliquescence de l’époque. Sur un canevas archi-linéaire et resserré au possible, il illustre la décadence d’un Japon médiéval résolument barbare et animal. Centré sur une figure féminine échappant au massacre de son mari par des bandits de passage, le récit prend place dans un couvent reculé en pleine nature. Pitch minimaliste doublé de personnages stéréotypés qui ne font qu’illusion face au projet transgressif de son auteur à livrer un manifeste ero-guro (erotique-grotesque) délibérément régressif. Monté à la hache, filmé approximativement et doté d’acteurs maladroits, le résultat fascine autant qu’il interloque de part sa propension adolescente à la provocation gratuite. Expurgé de dialogues et scènes transitionnelles, Makiguchi déroule ainsi les cartes de sa farce douteuse et grotesque. Le fil conducteur ne devient donc que purement sexuel avec moult rapports plus ou moins consentants accompagnant la fuite de l’infortunée. Filmé à l’emporte-pièce, le résultat se distingue néanmoins par sa photographie saturée à l’extrême de couleurs chaudes quasi-électriques inondant le cadre, ses systématiques gros-plans resserrés appuyant involontairement un monde primitif fantasmé ainsi qu’une bande-son psychédélique confrontant esthétisme japonais à de furieuses digressions sonores : rythmiques blaxploitation obsédantes appuyées de fuites d’échos cristallins se mêlent ainsi aux râles et vociférations hystériques.

Pourtant tout cela ne serait que peu sans l’idée ténue mais pourtant fondatrice du métrage : le couvent se révèle être un repère de nonnes adeptes d’opium et ayant une inclinaison certaine vers le cannibalisme... exclusivement masculin. Ah les délices de l’exploitation ainsi tout entiers résumés dans cette pellicule saugrenue ! Ainsi le film se plait à monter une lutte des sexes dans ses recours extrêmes ; la tonalité résolument fataliste qui pèse sur le film nourrit malicieusement le suspense autour de la pauvre femme croyant avoir trouvé le refuge pour son mari miraculeusement rescapé. Makiguchi plonge alors avec délice dans un délire baroque mêlant esthétique macabre et hallucinée, mélange de délire opiomane et lesbien, rites psyché-chamanistes culminant en percées gores et bestiales comme lorsque qu’un infortuné violeur se faire croquer par une nonne-junkie ou quand la femme retrouve son mari fraîchement décapité dont il ne reste qu’un corps ensanglanté encore sous l’assaut de convulsions. Médiocre mais marquant, Torn Priestess illustre de façon singulière la fin du filon Tokugawa mais témoigne surtout de l’impérative nécessité de renouvellement d’un studio désormais arrivé au bout de l’impasse.
 
Martin Vieillot