Titre
original:
Burai!
Barase! |
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Réalisateur: OZAWA
Keichi |
Année:
1969 |
Studio: Nikkatsu
Genre: Yakuza-eiga |
Avec:
WATARI Tetsuya MATSUBARA Chieko EBARA
Shinjiro NOZOE Hitomi |
dre |
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Tokyo nagaremono
De 1968 à 69, la
série des Burai (littéralement 'Vaurien') fut un
grand succès populaire mais aussi un témoignage
emblématique du traitement réservé aux films de
yakuza par les grands pontes de la Nikkatsu. Au contraire de la Toei
respectueuse d'une certaine image flatteuse de ces figures populaires (Koji
Shundo,le patron du studio, ne cachait d'ailleurs pas ses accointances avec le
milieu), la Nikkatsu s'appliquait alors à une relecture plus
distanciée mettant l'emphase sur des figures romantiques et
ténébreuses auxquelles son jeune public masculin pouvait
s'identifier. Basée sur la biographie de Goro Fujita qui inspira nombres
d'uvres, la série des Burai mit à l'honneur le
couple Tetsuya Watari/Chieko Matsubara que l'on retrouvait immuablement le long
de ces six itérations ainsi qu'à l'affiche des très cool
Vagabond de Tokyo (Seijun Suzuki,1966) ou Velvet Hustler (Toshio
Masuda,1966). Figures cultes auprès de la jeunesse, ces icônes
incarnaient sur pellicule le couple romantique idéal, Watari avec son
étrange magnétisme sensuel, Matsubara avec sa troublante
fragilité.
Pour ce sixième et dernier
opus, Keichi Ozawa retourne à la source de la série en mettant
l'emphase sur la solitude existentielle de son héros romantique perdu
dans des conflits tragiques qui agitent un Tokyo clandestin. Electron libre et
sans attache, Goro 'le tueur au poignard' se pose comme un trait d'union entre
différentes sous intrigues qui composent un script classique mais bien
troussé. Son détachement profond nourrit aussi bien son aura
sensuelle qu'il lui permet de poser un regard lucide sur l'agitation de ce
bas-monde (sa réplique restée célèbre 'Yakuza no
ikusaki wa akai kimono ka shiroi kimono ka sore igai ni ne yo', soit 'la
destinée d'un yakuza est le kimono rouge [de la prison] ou blanc [de la
mort]). De sa romance platonique avec Matsubara qui débute dans une
veine légère pour graduellement s'intensifier à ses
implications dans les sombres magouilles du milieu, cet 'ange gardien' campe
une figure qui transcende les habituels clichés du genre. Fustigeant
l'imbécillité d'une jeunesse naïve fasciné par les
caïds ou le passéisme d'hommes pourtant murs (un mari bientôt
père incapable de se détacher du giri-ninjo, dilemme
amour/devoir, qui le conduira à sa perte), la tonalité pessimiste
de l'ensemble témoigne d'un durcissement notable annonciateur des
jisturoku (histoires vraies) à venir où le jingi
(code d'honneur) fut définitivement mis en berne.
Bon artisan, Ozawa insuffle une
tension constante à son ensemble avec de classiques cadrages
posés et un montage bien huilé. Si l'on regrette quelques
parti-pris scénaristiques un peu facile (Goro a décidément
le chic pour se trouver toujours au bon endroit au moment opportun), le
scénario propose des personnages secondaires développés
densifiant la thématique générale. L'action abondante ne
phagocyte pas la teneur romantique du film et procède d'un soin
attentif. Habituel point faible de ces productions, elle se fait ici
variée (rixes aux poignards, poings, sabres ou pistolets), plus nerveuse
et viscérale aussi (apparitions notables d'inserts gores). Ozawa en
profite pour isoler dans son cadre quelques beaux moments pathétiques
insistant ainsi la futilité de ces conflits. Enfin, la composante
musicale fondamentale du genre est ici toujours aussi réussie (splendide
chanson-thème et sa trompette plaintive ou encore un groove-60's final
très remuant ). Une scène finale qui est ici remarquable par son
approche. Ozawa transcende son climax (un inévitable combat à
mort) en le parasitant d'éléments pop : lumières
psychédéliques, plancher transparent, mini-jupes aux couleurs
criardes. L'aspect résolument moderniste de la scène tranche avec
le reste du métrage en constituant un contrepoint séduisant et
osé.
Ce beau
dernier opus témoigne de l'évolution du film de
yakuza à la fin des années soixante. Mélange
de tradition et de modernité propre aux films de la jeune
génération de l'époque, la figure atypique
de Goro loin de n'être qu'un cliché insuffle un
pessimisme bienvenu. A mettre en perspective avec la relecture
de Kinji Fukasaku (Le cimetière de la morale)
dans une veine autrement plus nihiliste et désespérée. |
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