.Turf Wars
 
Titre original:
Akumyo : shima arashi
   
Réalisateur:
MASUMURA Yasuzo
Année:
1974
Studio:
Katsu Productions
Genre:
Yakuza eiga
Avec:
KATSU Shintaro
AI Koji
ISAYAMA Hiroko
KITAOJI Kinya
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Parrain d'un jour 

Seizième et ultime entrée de la longue série à succès des Akumyo, la qualité est à l'image de son réalisateur (MASUMURA Yasuzo) : prestigieux par le passé, les films sont devenus au fur et à mesure des produits formatés, sans réel génie, ni inventivité. Intrigue classique, seule la fin propose une réelle conclusion (ouverte) digne intérêt.

Asakichi gagne désormais sa vie en participant à des combats de coqs. Entraîné - malgré lui - dans une bagarre, il se retrouve par la seule force de ses poings engagé comme un yakuza dans un gang local. Grimpant rapidement les échelons, il se voit même attribué la gestion d'une salle de jeux clandestine. Mais son bon fond prime une nouvelle fois et il vole à la rescousse d'une prostituée retenue de force par un prestigieux clan sur une île.

Shintaro KATSU est plus connu pour son inimitable interprétation du masseur aveugle Zatoichi dans la série du même nom; mais il est loin d'avoir établi sa sulfureuse réputation sur cette seule saga. Parallèlement, il était également célébré pour son interprétation dans Heitai Yakuza (9 épisodes de 1965 à 1972) et le présent Bad reputation / Tough Guy (16 épisodes de 1961 à 1974), tous imaginés par président de la Daei, Masaichi NAGATA. Suite à la faillite de ces studios, KATSU continuait à produire des épisodes par le biais de sa propre société de production, KATSU PRODUCTIONS, lui permettant de garder un meilleur contrôle sur sa propre représentation et glorification à son image. Toutes les séries misaient sur l'imposante carrure intimidante de l'acteur, qui intimidait ses adversaires par sa seule force physique. Jouant des poings, il se retrouvait impliqué dans bon nombre d'aventures toujours plus farfelues et se muait en l'incarnation de la parfaite représentation virile aussi bien pour les spectateurs masculins, que féminins. Son interprétation trouvait finalement son apogée dans la seule - et plus longue - série des Zatoichi. Son jeu allant toujours en s'améliorant pour peaufiner le légendaire personnage du masseur aveugle qui tranchait singulièrement avec ses compositions plus simplistes dans ses autres films, se résumant au bourru bagarreur au bon fond; comme pour le personnage d'Asakichi. La courte introduction rappelle qu'il a été chassé de la maison familiale en raison de son mauvais caractère, ses incessantes querelles et - surtout - son inactivité. Tentant de gagner quelques sous en se lançant dans les combats de coqs, il aura bien plus de chance en participant à ses préférés jeux d'hasards. Après des démêlés avec les yakuzas locaux, il réussit à grimper les échelons d'un gang pour devenir le responsable d'une salle de jeux clandestine. Divertissement populaire tout entier dédié à un jeune public masculin, la glorification du métier de voyou sera bien évidemment désamorcé par la suite et l'intrigue tout entière centrée autour du personnage d'Asakichi. La forte influence du producteur / acteur principal KATSU transpire une nouvelle fois à chaque plan, le mettant confortablement en valeur et accordant une importante place aux chansons entonnées de son crû.

A la réalisation, MASUMURA Yasuzo n'est plus que l'ombre de lui-même depuis la faillite de sa propre société de production à la fin des années soixante et son impossibilité de renouveler sa thématique préférée du désir érotique. Continuant à tourner des œuvres personnelles dès qu'il dispose de quelques fonds, il se complait à enchaîner les films de commande. L'ancien réalisateur des chef-d'œuvres tels que L'Ange Rouge, Tatouage ou La Bête Aveugle apparaît donc également au générique des séries telles que le Heitai Yakuza ou encore Hanzo the Razor; mais contrairement à un Kenji MISUMI, il ne réussit à dégager aucun style personnel à travers ces films commerciaux. Ce Turf Wars ne déroge pas à la règle. Mollement mis en scène, le réalisateur ne tente pas non plus à rattraper de quelconque manière un scénario souffrant de terribles longueurs. L'intrigue se résumant finalement à la libération peu spectaculaire de la prostituée fortement déçue de découvrir notre héros marié, les quelques rebondissements dans le milieu de la pègre ne servent qu'à introduire des scènes de combat à mains nues honnêtement chorégraphiés. KATSU est bien évidemment avide de préserver son image de battant en surfant sur la vague des yakuzas déchaînés, tels un Bunta SUGAWARA dans les films de Kinji FUKASAKU. Seule la fin est véritablement passionnante. Sur fond de guerre imminente en Mandchourie, elle aborde l'imminent changement majeur dans la société japonaise (leur cuisante défaite durant la Seconde Guerre Mondiale et l'ascension d'un pan entier de criminalité bien loin de la représentation caricaturale de la série des Tough Guy). Quant au devenir du personnage principal, seul le spectateur pourra en décider, cette fin ouverte marquant le terme de la série.

Intéressante alternative de voir l'acteur Shintaro KATSU autrement que dans la peau de Zatoichi, ce seizième et ultime volet des Akumyo n'est pas le meilleur moyen de juger de l'immense popularité accordée par le passé au personnage et à la série. Sur fond d'une intrigue classique et poussive, Turf Wars peine à insuffler originalité et suspense dans un produit formaté, comme il en existe des dizaines d'autres. Seule la fin constitue une relative surprise et renvoie à une approche autrement plus sérieuse de la part de son réalisateur.

 
Bastian Meiresonne