. Under the Cherry Blossom
 
Titre original:
Sakura no mori no mankai no shita
   
Réalisateur:
Shinoda Masahiroi
Année:
1977
Studio:
Toho
Genre:
Kaidan-eiga
Avec:
Iwashita Shima
Wakayama Tomisaburo
Isayama Hiroko
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Conte psychanalytique

Under the Cherry Blossom s'ouvre sur une séquence contemporaine: la foule se presse sous les cerisiers en fleurs pour le hana-mi (manger en observant les fleurs). Un court prologue indépendant du reste du film, comme pour mieux insister sur le pouvoir étrange des fleurs, capables d'envoûter les hommes et ce depuis la nuit des temps. En effet, l'histoire en question est située dans un lieu et une période indéterminés, donnant ainsi à la nouvelle de Ango Sakaguchi, des allures de légende ancestrale.

Un bandit de grands chemins attaque des voyageurs de passage. Il rencontre ainsi une femme dont il tombe littéralement amoureux. Elle le fera devenir progressivement son esclave, le faisant même assassiner tout un groupe de villageoises pour son seul plaisir. Seul une femme de chambre infirme côtoie le couple, elle représente le dernier rempart contre la folie, la dernière trace de normalité dans un monde bien étrange.

En 1975, le film de fantôme est passé de mode depuis longtemps. En adaptant cette nouvelle, Shinoda se livre à une fidèle adaptation plus qu'à un projet personnel. Néanmoins Under the Cherry Blossom se démarque assez nettement des kaidan-eiga classiques en y injectant une dimension psychanalitique quasi-freudienne. Cette modernisation apporte un peu de sang neuf au genre , et évite au film de Shinoda de tomber dans le piège de l'illustration trop sage. Si l'esthétique est une belle réussite, il n'empêche que de nombreux autres films la surpasse aisément. Shinoda se heurte même parfois à l'écueil du contemplatif un peu creux.(lors des fameuses séquences des tempêtes de feuilles de cerisiers). Sa mise en scène, plus convaincante, adopte un point de vue distant. La caméra souvent cachée derrière un élément du décor, un retrait qui suggère l'isolement du couple dans sa décadence. Le rythme des plans est lui aussi remarquable, l'alternance très irrégulière de la durée des plans a pour effet de déstabiliser le spectateur, une syncope renforçant ainsi l'idée d'un monde trouble, évanescent comme vu au travers d'un prisme déformant. La societé vue par Shinoda respire le trouble diffus sous une apparente stabilité, et apparaît presque comme mis en scène (omniprésence des costumes et processions), les références au théâtre japonais abondent d'ailleurs en ce sens. La religion y est aussi indissociable, agissant comme une chappe de plomb oppressant ses personnages et dégageant une pesante atmosphère (inquiétants bruits de cloches et résonances bouddhiques).

On a souvent reproché à Shinoda la froideur de ses oeuvres, Under the Cherry Blossom n'échappe pas à la règle. Beau et froid, trop théorique aussi, Shinoda échoue à insuffler de la dramaturgie au sein du trio de personnages. Rôles trop stéréotypés et à l'intérêt psychologique limité, il peine à offrir derrière leur masque impassible une quelconque humanité. Shinoda se réfugie alors derrière des métaphores psychanalytique pour illustrer son propos. La dimension sexuelle, quasi freudienne, joue un rôle primordial et contamine tout le récit. La femme se passionne pour les têtes coupées seules capables de lui apporter la jouissance désirée. Le voleur peu à peu dépassé par la folie de son épouse se retournera vers la femme de chambre, garante d'une certaine normalité. Le film aura sans doute beaucoup inspiré Shuji Terayama pour son Labyrinthe d'herbes tant les similitudes sont troublantes.

Beau conte au fort sous-texte sexuel et religieux, Shinoda livre une belle réussite du genre à la technique sans faille et au contexte intéressant (théatralité, trouble diffus, morbidité,..). On ne peut cependant s'empêcher de lui trouver un manque certain de passion et de dramaturgie.
 
Martin Vieillot