.War in Space
 
Titre original:
Wakusei Daisenso
   
Réalisateur:
FUKUDA Jun
Année:
1977
Studio:
Toho
Genre:
Sci-Fi
Avec:
MORITA Kensaku
ASANO Yuko
IKEBE Ryo
OKI Masaya
 dre

L’ennui attaque !

Dans l’épopée du film fantastique made in Toho 50-70’s, plusieurs vagues distinctes s’abattirent sur l’archipel. La plus célèbre, la franchise Godzilla (54-75), qui d’une figure punitive surgie du passé se mua bientôt en fervent patriote pour finir sa carrière en icône récréative. Vint ensuite la mode passagère des films catastrophes (72-75) lancée sur le modèle des films hollywoodiens puis enfin les inévitables épopées spatiales dont War in Space (77) constitue le témoin emblématique de l’abaissement drastique des standards du studio. Fortement influencé par une projection outre-pacifique de Star Wars en 77, l’omnipotent producteur Tomoyuki Tanaka décida de lancer un projet similaire afin de profiter de la latence offerte par la localisation du film de Lucas (qui n’arrivera qu’un an et demi après sa sortie américaine). Bouclé dans un temps record de deux mois pour coïncider avec les fêtes de fin d’année, le résultat du tournage éprouvant de ce War in Space laisse au final le spectateur sceptique tant la mollesse et le peu d’originalité de l’ensemble sabordent les rares points positifs. Malgré son titrage américain qui le rapproche inévitablement du film de Lucas, War in Space reste avant tout un recyclage maison de productions antérieures. Le pitch, une invasion extraterrestre, provient tout droit de Prisonnières des martiens (1956). L’argument commerciale majeur réside la présence du Gohten, un croiseur intergalactique conçu pour pourfendre le navire commandeur ennemi (une galère romaine high-tech d’un ridicule achevé). Cette refonte éhontée de la trame (et de la maquette) de l’Ataragon, une lointaine résurgence du fier navire Yamato, qui d’un postulat patriotique douteux aspiredésormais à une certaine universalité en affichant des velléités plus internationales (défendre la Terre et non plus le simple archipel).

Si les films de Ishiro Honda se reposaient eux aussi sur des canevas simplistes, ils dégageaient une poésie mélancolique à laquelle jamais Jun Fukuda, son triste successeur, ne sut proposer d’alternative. Yes-man besogneux sans talent, le seul mérite de Fukuda résidait dans sa capacité à gérer des budgets réduits et respecter les délais tendus de production. L’heure de la retraite approchant, le réalisateur n’en met que moins d’entrain à filmer sa fresque galactique. Certes la maigreur et la linéarité du scénario plombent d’emblée le projet, mais c’est surtout la désespérante monotonie des séquences paresseuses qui achève le spectateur. Un non-rythme en totale opposition avec l’enjeu du récit qui couplé à l’apathie d’un casting engourdi coincé dans des décors en carton-pate témoigne d’une triste atmosphère de fin de règne. Derrière une absence d’enjeu dramatique flagrante, War in Space se voit comme un hymne typiquement nippon à l’unité de groupe et au sacrifice personnel. Si une romance forme un instant une voie parallèle au récit, la suite aura tôt fait de retourner dans les rails confortables où s’enfilent tous les poncifs et clichés du genre (plans du groupe préoccupé mais soudé, affairement derrière de pseudo écrans de contrôles). Le charme naïf absent, reste alors les quelques scènes de combats qui heureusement s’avèrent un brin supérieure mais sans jamais dépasser la moyenne syndicale. Un recours aux maquettes qui témoigne d’une impasse qualitative et stylistique manifeste tant les trucages différent peu de ceux employés plus de vingt ans auparavant. 

Au lieu d’une grande fresque intergalactique, War in Space est avant tout le constant cinglant d’un genre tourné vers son glorieux passé. Bien loin de la modernité d’un Goke qui, dix ans avant, avait su dynamiter le genre avec ses expérimentations et son ton résolument cynique, Fukuda et consors n’ont jamais vraiment su se remettre en question en se contentant de recycler scénarios, maquettes et techniques de trucages. Peu étonnant de voir que le résultat anachronique de War in Space ait déteint du charme pop vers les redoutables atours du kitsch 70’s. Un film faiblard et sans personnalité qui verra pourtant succéder des avatars encore moins prestigieux. On saura néanmoins reconnaissant à Fukuda de nous avoir offert cette séquence surréaliste où la jolie Yuko Asano  en nuisette de cuir se retrouve captive d’un Chewbacca empeluché, une scène qui aurait eu parfaitement sa place dans le Starcrash de Luigi Cozzi !

 

Martin Vieillot

Disponible chez Discotek