.Le moine sacrilège (Wicked Priest 1)
 
Titre original:
Gokuaku bozu
   
Réalisateur:
SAEKI Kiyoshi
Année:
1968
Studio:
Toei
Genre:
Matatabi No Mono
Avec:
WAKAYAMA Tomisaburo
SUGAWARA Bunta
MASUMI Tachibana
SHIRAKI Mari

Fruits défendus

Finalement rendu disponible bien que réputé invisible jusque dans son pays d'origine, la sortie française du premier épisode du ' Moine Sacrilège' (Wicked Priest) permet de juger sur pièce du culte entourant cette œuvre. Revenant sur les origines du mythique moine débauché est également dévoilé la source du différent entretenu avec le vil Ryotatsu; autrement dit, le point de départ d'une série largement dispensable n'étant certainement pas à la hauteur des attentes.

Bien qu'ayant juré entier dévouement envers son Dieu en se soumettant aux rangs du clergé, le prêtre peu orthodoxe Shinkai n'arrive à se passer de l'alcool, des jeux d'hasards et des jolies femmes. Rejeté par les siens, il parcourt le pays pour allouer ses services en organisant des cérémonies religieuses aptes à lui donner suffisamment d'argent pour satisfaire ses vices. Sa première aventure cinématographique l'amène à arracher une jeune prostituée de la main de ses proxénètes et hauts fonctionnaires corrompus.

Enième variante d’un Matatabi No Mono (film de yakuza errant), la série des 'Gokuaku Bozu' était avant tout pensée pour profiter du relatif engouement pour l'acteur Tomisaburo WAKAYAMA à la télévision (la série des 'Mute Samurai') afin de lui permettre de percer sur grand écran. Entrant en pleine période de la libération des mœurs et du relâchement de la Censure au Cinéma, les créateurs décidaient de mettre le paquet sur la débauche du prêtre bon vivant. Forcément provocateur par le rejet total de tous ses préceptes relatifs à son métier, le film était sûr de gagner aussi bien l'adhésion d'un jeune public (acclamant l'opposition à l'autorité), que celui des spectateurs masculins trouvant largement leur compte au niveau du sexe et de la violence.  Personne d'autre que WAKAYAMA n'aurait d'ailleurs pu se glisser dans la peau du prêtre Shinkai. D'une prestance impressionnante, sa forte carrure et sa bonne bouille le désignaient littéralement comme le fameux moine bon vivant. Sa barbichette rappelle la représentation du diable en personne, son embonpoint rend crédible son amour immodéré pour la bonne chair et la boisson et son charme sauvage lui assure de faire des ravages parmi les femmes. La forte ressemblance physique avec son demi-frère Shintaro KATSU ("Zatoichi") lui permet également de glaner quelques notes de sympathie sans fournir le moindre effort et il n'y avait – à l'époque – que peu d'acteurs aussi fin bretteurs que l'acteur à exceller dans l'art de l'Iiaido (l'art de dégainer et de trancher dans un seul mouvement). Non pas que WAKAYAMA ait particulièrement besoin de recourir à ce talent dans cet épisode. Au contraire de ce que laisse présager l'introduction mouvementée, ce premier film ne comporte que peu de combats, tous exempts d'armes blanches ! Le moine se bagarre avec la seule force de ses mains jusque dans l'affrontement habituel attendu avec son nemesis, le fameux prêtre Ryotatsu. D'ailleurs, tel que le disait la rumeur, l'ennemi juré de Shinkai perd effectivement la vue au cours de leur premier combat.

Le premier épisode – à défaut d'un réel scénario accrocheur – permet surtout d'introduire le personnage principal. Passage en revue de tous ses vices, la (trop longue) introduction le montre en train de s'adonner aux jeux du hasard, à coucher avec des prostituées, à boire et à faire la fête avant de se dépêcher sur différentes cérémonies (pas toujours à temps) pour récolter quelques deniers à dépenser. L'intrigue démarrant tardivement n'est donc que prétexte pour tenter de gagner la sympathie du public pour un nouveau personnage pouvant donner lieu à une nouvelle série d'aventures. Au moins, les scénaristes ont tiré des leçons des échecs d'autres productions du même style, qui n'avaient pris le temps nécessaire à introduire suffisamment leur protagoniste principal. Sage décision, car il faut savoir "pardonner" les ludiques offenses commises par le moine envers sa propre religion pour pouvoir s'identifier à son curieux style de vie. Sauf à vouloir brasser du vent et de ne présenter le personnage que dans des situations tout sauf trépidantes, l'ennui guette pour s'installer durablement; et ce n'est pas l'intrigue des plus classiques arrivant au galop pour combler le vide narratif précédent qui réussit à chasser le sommeil des yeux. D'autre part, les créateurs ont également oublié à insuffler un autre détail de relative importance : la part de mystère entourant leur protagoniste. Zatoichi avait surtout su convaincre – du moins à ses débuts – par un solide recours au malheureux passé du héros pour le rendre irrésistiblement attachant. D'autres bouts de sa vie passée (contredisant d'ailleurs les premiers éléments au fur et à mesure de la série…) s'étaient ajoutés petit à petit pour venir étoffer un "tout"; le moine Shinkai n'aura pas le même traitement de faveur – jusque dans le cinquième épisode, où est révélé un détail capital concernant sa défunte mère. En l'absence d'une psychologie approfondie ou du moins d'un mystère précieusement préservé pour titiller la curiosité du spectateur, l'enchaînement des scènes pour le rendre sympathique par son quotidien débauché semble quelque peu vain.

Il ne faut pas oublier, que cette série était produite par la TOEI, championne en matière de projets commerciaux. Il était donc évident, que le traitement n'allait pas différer de la ribambelle d'autres productions de même type et qu'une fois les esquisses d'une idée jetée sur papier, l'intrigue s'ensuivant n'allait pas chercher très loin. De ce point de vue, la série des "Gokuaku Bozu " remplit honorablement ses objectifs en allant crescendo dans un côté exploitation assez jouissif dans le troisième épisode. Sans parler, que la série aura très certainement largement contribué à l'inspiration du manga "Hanzo the Razor" du mangaka Kazuo Koike, plus tard adaptée sur grand écran à l'initiative de …KATSU Shintaro !Pur produit de divertissement populaire, la série des ' Gokuaku Bozu' ne se différencie finalement guère de la ribambelle d'autres productions sorties à la même époque. D'une provocation gratuite désuète de nos jours, le comique de situation n'en est pas pour autant défraîchi au point de ne pas arracher quelque sourire. Voir WAKAYAMA se donner corps et âme à son personnage est déjà un prétexte suffisant pour jeter un petit coup d'œil à cette série typique de son époque.

 
Bastian Meiresonne