.Yakuza's Law : Lynching
 
Titre original:
Yakuza keibatsu-shi : Rinchi-shikei
   
Réalisateur:
ISHII Teruo
Année:
1969
Studio:
Toei
Genre:
Exploitation
Avec:
OTOMO Ryutaro
SUGAWARA Bunta
MIYAUCHI Hiroshi
SUGAI Ichiro
dre
Les dures lois du Milieu 

Septième volet de sa série des films sur la torture amorcée par Shogun's Joy of Torture, le réalisateur Teruo Ishii s'écarte cette fois de ses précédentes œuvres pour appliquer le modèle répété au genre du yakuza eiga.

Film à trois sketches, chaque segment est introduit par une règle d'or à respecter par tout bon yakuza sous peine d'être sévèrement puni. Le premier épisode annonce que ''d'aucun ne devra voler, ni avoir une affaire avec une femme mariée''. Se passant à l'ère Edo (1603-1867), donc aux débuts embryonnaires des premiers castes japonais mafieux, l'intrigue conte la rébellion de quelques yakuzas injustement accusés d'avoir enfreint les codes du milieu au sein de leur clan. Enucléation, oreille et langue coupées en gros plan et gros geysers de sang lors de quelques combats au sabre constituent ici les effets les plus sanglants. La seconde histoire se déroule aux débuts de la période Showa (1926-1989). Cette fois, il est dit que :''Ceux qui causeront des ennuis à leur chef ou à leur famille seront expulsés. Ceux qui tenteront de revenir seront punis''. Ogata vient de passer trois ans en prison pour avoir coupé la main du chef d'un clan adverse. Simple pion sur l'échiquier d'un jeu particulièrement diabolique imaginé par le second en chef de sa propre famille, l'ancien yakuza est ordonné de quitter la région. Comme un malheur n'arrive jamais seul, son ancienne amie - trompée par son entourage quant au véritable sort d'Ogata - vit désormais avec Amamiya, ancien bras droit du chef de clan agressé. Tous deux trompés par le machiavélique second en chef, les hommes vont s'affronter en duel avant qu'Ogata ne découvre la supercherie. Sensible histoire pâtissant de son court format, elle est également la moins sanglante des trois. Le troisième épisode se passe dans les années '60s et est inspiré par la règle suivante : ''Ceux cherchant à détruire la famille et ceux dévoilant des secrets pour n'importe quelle raison, seront irrémédiablement éliminés''. La confuse intrigue voit un tueur à gages semer la pagaille entre les clans Ashiba et Uhura pour mettre la main sur des lingots d'or. Les rebondissements sont aussi nombreux que les scènes de torture d'une violence graphique assez élevée.

Si le cadre change radicalement des précédents volets de la série des Joy of Torture, la structure reste la même : films à sketches, chaque épisode comporte son lot de violences complaisantes au réalisme exacerbé et étonnant pour l'époque de tournage. Comme dans les autres volets de la série, le générique du début est un collage de cruelles scènes de torture sans lien aucun avec ce qui va suivre, si ce n'est que ce sont sans doute là des méthodes utilisées par la pègre : Tête perforée à coups de perceuse, homme rôti vif, personne tractée derrière une voiture, etc. Les seules différences notables sont donc effectivement le genre abordé - le yakuza eiga - et la quasi-absence de rôles féminins impliquant par la même aucune nudité et aucune scène de sexe. Le monde des yakuzas est purement réservé aux hommes et toutes les punitions et tortures ne sont endurées que par eux - à la seule exception d'une maîtresse, ensevelie vivante sous du ciment frais avec son ami mafieux. Pur produit d'exploitation commandité par les studios de la Toei tenant là un filon fort rentable, Yakuza's Law dispose une nouvelle fois de moyens conséquents. Décors et costumes sont somptueux dans chaque séquence et le troisième épisode réserve même quelques explosions et voitures endommagées lors de courses-poursuites. Les studios de prestige permettent également la présence de quelques grands noms au générique : outre l'immense Bunta SUGAWARA (en petite forme) dans le dernier épisode, il y a un grand habitué des films de Kenji MIZOGUCHI et d'Akira KUROSAWA, Ichiro SUGAI (Le Héros Sacrilège, Les Amants Crucifiés, L'Intendant Sansho…).

Ishii ne se contente certes pas de mettre en scène quelque intrigue vaguement construite autour d'effets bien sanglants pour satisfaire son spectateur. Chaque épisode est un véritable concentré scénaristique, qui aurait facilement pu être décliné en un long métrage. Ceci assure un rythme soutenu, mais manque d'un approfondissement des personnages et d'un développement explicatif suffisant de l'intrigue en cours. Le troisième épisode, notamment, est très confus dans l'enchaînement de ses nombreux rebondissements. Reste, que les éléments de récit sont finalement assez classiques pour être facilement assimilables, mais que ce manque de développement, ainsi que des raccourcis scénaristiques font regretter à ce que le réalisateur ne se soit pas donné davantage de temps et de peine pour tenter de créer une vraie bonne œuvre. En l'état, il ne réussit qu'à atteindre l'objectif de mettre en scène un pur film d'exploitation de commande sans grand intérêt, où les scènes de violence tiendraient plutôt du grand-guignolesque - donc bien loin de sa réputation pourtant flatteuse d'être l'un des meilleurs et plus violents yakuza eiga jamais réalisés. Comme souvent, ce culte ne s'est finalement construit que grâce à la relative difficulté de voir et de pouvoir juger de l'œuvre.
 
Bastian Meiresonne