.Un Yakuza contre la meute
 
Titre original:
Gunro no keifu
   
Réalisateur:
Kudo Eiichii
Année:
1997
Studio:
-
Genre:
Yakuza-eiga
Avec:
Nakajo Kiyoshi
Hagiwara Nagare
Kaneko Ken
Nomoto Miho
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Blast from the past 

Film de yakuza eiga intimiste, Eiichi Kudo réalise une belle métaphore des temps et mœurs changeants.

Après avoir passé 14 ans derrière les barreaux, Komoro rejoint à nouveau l'ancien clan auquel il appartenait. Respecté, le yakusa peine pourtant à retrouver ses marques aussi bien au quotidien, que parmi ses anciens collègues. Règles et codes traditionnels du milieu ont changé ; seule compte désormais la réussite à tout prix. Tout en faisant un point sur sa vie, Komoro va tenter de s'adapter.

En adaptant une nouvelle de Noburo Ando, le vétéran Eiichi Kudo a certainement trouvé moyen de mettre beaucoup de sa personne. Exploitant les sentiers ultra-balisés du film de yakusa, le réalisateur s'intéresse moins à révolutionner les codes du genre, qu'à dresser le portrait sensible d'un homme vieillissant qui craint d'être complètement passé à côté de sa vie. Décalé par rapport à une société qui a énormément évolué durant ses années passées en prison, ne se retrouvant plus dans le monde de gangsters dont il s'était pourtant fait une vie et seul suite au nouveau mariage de la femme qu'il n'avait cessé d'aimer, il se remet entièrement en question. Ses accès de violence et bravoures face aux adversaires sont moins signe d'un retour ''aux affaires'' qu'un besoin d'extérioriser ses tourments intérieurs. Il sait pertinemment, qu'il ne saurait gagner quoi que ce soit en agissant de la sorte, mais peu lui importe finalement d'y laisser sa vie. La brève et sensible romance avec une jeune mère semble lui redonner goût à la vie l'espace d'un court instant ; mais au fond de lui, il sait qu'il n'est pas fait pour une telle existence. Il ne pourra plus changer, ni s'adapter à une époque qui l'a dépassé. Se consacrant tout entier à son personnage, Kudo évince totalement le reste de l'histoire. Là où d'autres réalisateurs auraient privilégié l'action et le spectaculaire (une terrible lutte de pouvoirs prend place en arrière-plan), il préfère explorer avec beaucoup de sensibilité et de sympathie le personnage de Komoro, mais également celui des rôles secondaires (la prostituée, son maquereau, l'infirmière) se caractérisant tous par leur perte de repères.

Emouvant, le film de Kudo aurait peut-être gagné à dépeindre d'avantage l'évolution de la société au cours des quatorze ans de Komoro passées en prison, mais réussit pleinement son pari dans le portrait d'un homme dépassé par la vie. De là à faire un parallèle avec le réalisateur, qui signe ce film après plus de dix ans d'inactivité et qui n'aura jamais pu prétendre à la reconnaissance à laquelle il aspirait (et aurait mérité), il n'y a qu'un tout petit pas…
 
Bastian Meiresonne