Titre
original:
Yotsuya
Kaidan |
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Réalisateur: KINOSHITA Keisuke |
Année: 1949 |
Studio: Shochiku
Genre: Kaidan-eiga |
Avec:
TANAKA Kinuyo UEHARA Ken SUGIMURA
Haruko SADA Keiji |
dre |
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Les fantômes se font porter pâles
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Première
adaptation d'après-guerre de la célèbre
pièce kabuki Yotsuya Kaidan, cette longue version
est sortie dans les salles en deux parties. Réalisé
par le cinéaste "maison" des studios de la Shochiku,
Keisuke KINOSHITA, cette nouvelle transposition intrigue par
la richesse de son histoire détaillée. Finalement
très peu fantastique, le récit souffre de sa laborieuse
mise en scène académique trop démonstrative.Déchu
de son statut de samouraï suite à la faillite de
son maître, Iemon se complait dans sa misère sociale.
La fausse couche de sa femme, Oiwa, tue en lui le peu d'amour
qui lui restait envers son égard. La possibilité
d'épouser la jeune héritière Oumé
et d'accéder à un rang social élevé
tombe donc à pic. Ensemble avec le scélérat
Naosuke, il décide d'empoisonner sa femme et de se débarrasser
de sa dépouille; mais les remords ont vite fait de le
rattraper et de lui torturer l'esprit à en perdre la
raison. Naosuke, de son côté, tente de parachever
une machination infernale.
Réalisateur "maison" de la
Shochiku, Keisuke KINOSHITA est principalement connu pour son adaptation
musicale de La Ballade de Narayama et le shomin-geki (drame du
quotidien) La tragédie du Japon. Ghost of Yotsuya sera sa
seule incursion dans le domaine fantastique. Il n'est donc pas étonnant,
qu'il se soit - d'une part - attachée à rendre une copie lisse et
appliquée pour plaire à son studio employeur et - d'autre part -
avoir davantage favorisé le tragique destin des protagonistes,
plutôt que le fantastique. Effectivement, le film pensé en deux
parties au moment sa sortie au Japon, est péniblement fidèle
à la pièce kabuki originelle. Appliqué, KINOSHITA n'omet
aucun détail et ne craint pas d'appuyer lourdement chaque fait, voire de
le répéter afin que le spectateur suive bien toutes les
étapes de son scénario. Intrigue à la base pouvant
effectivement prêter à confusion devant la multiplication des
personnages - piège que n'évitera pas KATO Tai - la
réalisation de KINOSHITA n'est que lourdeur démonstrative et
étire le film inutilement en longueur. En revanche - et sans doute pour
étoffer quelque peu l'histoire, afin d'en tirer deux parties - plusieurs
sous-intrigues agrémentent une histoire autrement plus connue. Le vil
Naosuke devient quasiment le pivot central du film. Trahissant les siens, il
avait manigancé sa propre fuite de la prison au dépens de la vie
de ses comparses. Poursuivi par un survivant revanchard, il est obligé
de s'en débarrasser à un moment clé de l'histoire -
épisode malheureusement pas développé outre mesure et ne
servant qu'à renforcer le mal du personnage. Le brigand jouera
également un rôle essentiel dans le dénouement
(inédit) de l'histoire, constituant un ultime rebondissement
blanchissant même Iemon d'une partie de sa cupidité. Approche
intéressante, qui laisse apparaître les différents
personnages sous tout un autre jour.
Quant au parti pris de KINOSHITA,
deux mesures intéressantes tranchent par rapport à sa
transposition autrement fade : d'une part il choisit de faire
interpréter les rôles d'Oiwa et de sa sur Osoden par une
seule et même actrice : Kinuyo TANAKA. Actrice fétiche de
Mizoguchi, ce dernier avait d'ailleurs méchamment raillé
l'interprète pour son choix de jouer dans un film du genre. Sa
composition reste malgré tout inspirée et même si le temps
de présence du rôle de la sur est relativement court, la
notable différence d'interprétation force le respect. Le
cinéaste ne se prive d'ailleurs pas d'une belle séquence en face
à face entre les deux femmes, utilisant des doublures parfaitement
intégrées à l'action et créant une illusion optique
de meilleur effet pour un film tourné il y a bien longtemps. D'autre
part, il n'a que peu à faire du fantastique et privilégie
davantage la psychologie de ses personnages. Le film ressemble du coup
fortement à la pièce kabuki d'origine, contenant son lot de
scènes dramatiques et lorgnant vers la pure tragédie. Iemon
apparaît comme un personnage déchiré, dont la
déchéance psychologique n'en est que plus compréhensible
au fur et à mesure du film et après le méfait de ses
actes. Seule l'étrange tournure empruntée par le
réalisateur en dernière partie du film pour racheter une conduite
à son protagoniste principal, dont il devait craindre de le rendre trop
"méchant" pour le public de son époque, n'est pas très
réussie. Le rejet et les reproches faits envers son ancien acolyte
Naosuke, alors qu'il est lui-même à l'origine de tout le drame,
sont plutôt comiques que tragiques, en tout cas pas crédibles par
rapport à sa psychologie passée. Néanmoins, KINOSHITA a le
mérite de s'attarder longuement sur le déchirement de ses
différents protagonistes, entre Iemon ne pouvant se
dépêtrer de sa situation et ne s'assumant pas en tant qu'homme
engagé et la pauvre Oiwa s'accrochant de toutes ses forces à son
mari pour ne pas avoir à redevenir la fille de joie qu'elle avait
été. En second plan, le vil Naosuke ne dévoilant sa
véritable nature qu'au fur et à mesure des
événements et la gente servante d'Oumé, qui devient la
principale victime des méfaits du brigand.
Cette approche a pour
mérite d'exposer les visions fantomatiques des défunts comme les
simples visions torturés de l'esprit du volage mari; en revanche, elle
en réduit d'autant la portée purement fantastique de
l'uvre. Les apparitions sont donc rares et éparses; la plupart du
temps, le cinéaste ne s'attache que sur l'image d'Iemon fendant l'air de
son épée autour de lui ou ne montre que les conséquences
directes (Oumé s'enfuyant; servants parlant des "possessions"
étranges de leur maître). Loin des futures illustrations
véritablement terrifiantes d'un NAKAGAWA, là encore les limites
d'une sage adaptation par un réalisateur aux normes des standards de son
studio ne font pas espérer mieux que les furtives apparitions des morts.
A signaler tout de même le sympathique plan des assassinés au
plafond faisant office d'une certaine bravoure technique pour l'époque.
Sage adaptation d'un réalisateur "maison", ce Yotsuya Kaidan ne
présente que l'intérêt d'une version rallongée et
enrichie de quelques éléments et tournures narratives
inédits par rapport à d'autres versions connues. La lourdeur
démonstrative et le manque d'originalité au sein d'une mise en
scène appliquée étire malheureusement le film inutilement
en longueur et le font apparaître comme inférieur à
d'autres transpositions plus originales. |