.Matsuda Yusaku
 
 
Une nouvelle direction

A l'entame des années 80, Matsuda choisi de s'écarter du genre policier pour s'investir dans des films moins commerciaux, plus risqués aussi. Désormais débarrassé de sa célèbre chevelure, il affiche la trentaine mure plus en phase avec les personnages qu'il incarnera. Surement échaudé par ses deux caméo dans les dispensables Rape Hunter: Nerawareta Onna et Bara no Hyoteki, il sent le vent tourner et l'heure de la remise en question arriver. Cette nouvelle orientation de carrière qui, au vu de la profonde crise qui a secoué la cinéma nippon dans les années 80, se révélera payante et lui vaudra le respect de ses pairs.


Brumes de Chaleur

Family Game

En 1981, Matsuda joue sous la direction d'un des plus grands réalisateurs nippons qui effectue là son grand retour ; Seïjûn Suzuki pour Kagero-Za (Brumes de Chaleur), un magnifique mélodrame autour de la rencontre d'un jeune écrivain et d'une jeune femme qui croit être l'épouse de son meilleur ami. Une vision artistique de l'iconographie érotique autour du thème de la vie et de la mort. Matsuda s'impose dans le registre du film d'auteur et fait montre de toute l'étendue de son jeu. En 1983, il recroise le chemin de L'Art Theatre Guild avec Family Game (Kazoku Gemu) de Yoshimitsu Morita. Un film majeur du cinéma japonais des années 80 autour du thème de la cellule familiale en crise, un film à rapprocher de Crazy Family et de Visitor Q. Matsuda y incarne un tuteur dilettante au visage impassible qui n'hésite pas à user de la violence, psychologique ou physique, pour ressouder une famille dont il a la charge. Une prestation remarquée qui lui vaudra le prix d'interprétation masculine au festival de Locarno.

Dans la même année, il tourne le film inspiré de la série TV de Tanteï Monogatari de Kichitaro Negishi. Il ne remportera qu'un succès d'estime, les fans de la série croyant qu'il s'agissait d'une suite. Matsuda répondra à cela que la série se concluait d'elle-même (d'une fin aussi anthologique que celle de Howl at the Sun!) et qu'il faut prendre le film comme une aventure alternative d'un autre détective (voir le titre d'ailleurs : Histoire d'UN Détective). Il faut voir le film comme un semi-remake japonais de Klute d'Alan J.Pakula. Il sort aussi son cinquième album studio : Interior, un gros trip Cold expérimental comme l'est Technodelic du Yellow Magic Orchestra (d'ailleurs produit par Yasuhiro Takahashi, un membre du groupe), Pornography de The Cure et Closer de Joy Division.

En 1985, il épouse, en secondes noces, l'actrice et ancien mannequin Miyuki Kumagai, qui lui donnera trois enfants ; une fille et deux garçons dont le jeune Ryuhei (Tabou, Printemps Bleu, Izo). Il a déjà eu une fille de son premier mariage avec Mami. Heureux en amour, il tourne la même année pour son ami Yoshimitsu Morita : Sorekara, une romance tirée d'une nouvelle de Natsume Soseki, un joli mélo comme l'a été Brûmes de Chaleur et comme le sera Les Fleurs du Chaos. Il y incarne un jeune écrivain (comme dans Brûmes de Chaleur et dans Les Fleurs du Chaos) qui tombe amoureux de l'épouse malheureuse de son meilleur ami. Ce sera également la sortie de Déjà-Vu, son sixième album studio.

En 1986, il s'adonne à la réalisation sur A Homansu, tiré d'un manga de Caribou Marley et Akio Tanaka, racontant les aventures d'un vagabond luttant contre les yakuza dans un futur à la Akira. Il y mélange le Yakuza-Eïga à la Kinji Fukasaku et le Cyber-punk façon Blade Runner. Malheureusement, malgré ses qualités évidentes en tant que réalisateur, ce ne sera qu'un unique essai néanmoins fort remarqué. Pour la petite histoire, A Homansu est un jeu de mots composés de "Aho" qui signifie en japonais "Idiot" et "Homansu" qui est la prononciation nippone de "Formance" pour "Performance". Matsuda avoue être fan du roman de Dostoïevski : L'Idiot et qu'il s'en est inspiré pour son film. D'autant plus qu'il venait de doubler Francis Huster pour la version japonaise du chef d'oeuvre de Zulawski : L'Amour Braque, transcription contemporaine du roman (il a aussi doublé en japonais Mickey Rourke sur Rusty James et William Petersen sur Police Fédérale Los Angeles). En définitive, on pourrait donc définir A Homansu comme la transposition de L'Idiot de Dostoïevski dans un Japon Cyber-punk.


A Homansu

Fleurs du Chaos

Onimaru
1987 est l'année de la sortie de son dernier album de son vivant : D.F. Nuance Band, de l'électro-jazz matinée de Cold-Wave et produit par Haruomi Hosono, autre membre du Yellow Magic Orchestra. En 1988, il s'éloigne toujours un peu plus de ses rôles policier en tournant deux films de deux grands cinéastes japonais. Le premier est Les Fleurs du Chaos du maître Kinji Fukasaku, un mélodrame sur la rencontre entre personnalités de la littérature nippone du début du XXème siécle. Le second est la magnifique adaptation médiéval-fantastique des Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë par Kiju Yoshida, l'auteur culte d'Eros + Massacre : Onimaru, très beau film où Matsuda incarne, avec une magnificence qui lui est propre, un Heathcleaff qui tient plus d'Edmond Dantès, Faust et Maldoror réunis, qu'au jeune romantique de l'œuvre originale. Avec une scène finale d'anthologie et d'une extrême violence où le terme de lutte perpétuelle et infinie du Bien contre le Mal prend littéralement tout son sens.

Une publicité de Matsuda