D'abord une femme de théatre, Shinobu Terajima est progressivement devenue une actrice reconnue et appréciée dans le milieu du cinéma nippon depuis ses prestations remarquées dans Vibrator et It's only talk de Ryuichi Hiroki . Un entretien qui est l’occasion de tenter de saisir la vision du métier d’une actrice désormais auréolée d’un prix d’interprétation au festival de Berlin. Vous êtes la fille de Junko Fuji, une actrice iconique du cinéma japonais. Est-ce que ces liens maternels avec le cinéma ont influencé votre choix de carrière ? | |
Oui, je pense que je ressentais tout ça lorsque j’étais encore dans le ventre de ma mère, et j’ai toujours baigné dans ce milieu par l’entremise de ma famille. Ceci dit je n’ai jamais vu aucun des films de ma mère lorsque j’étais enfant, ni même sont rôle de la pivoine rouge [1] (rires). Quoiqu’il en soit, je n’ai jamais pensé faire un autre métier que celui d’actrice. | Comment abordez-vous votre métier, entre théâtre et cinéma ? En fait, je joue principalement au théâtre. Je dois tenir un rôle dans un film de cinéma au maximum une fois par an. Auparavant, j'avais déjà joué dans Vibrator ou Ai no rukeichi. Mais je n’avais jamais encore eu de rôle qui ait eu autant d'impact que celui de Caterpillar. Ce que je recherche vraiment au cinéma, c’est un scénario qui puisse montrer plusieurs facettes d’un personnage. Pouvez-vous parler de la situation du milieu théâtral japonais d’aujourd’hui ? |
La situation du théâtre est beaucoup plus stable que celle du cinéma. Alors que le cinéma commence à connaitre un certain déclin, le monde théâtral est dans une période plus sereine. Il y a beaucoup de metteur en scène très talentueux, même si en France on a tendance à ne parler que de Oriza Hirata [2]. En dehors de lui, il y a beaucoup d'autres personnes intéressantes, mais elles se produisent généralement en Angleterre. | Les liens entre le milieu de la TV et du cinéma se font de plus en plus serrés. Que vous inspire ce rapprochement ? Rien ! C’est la vérité, ça ne m’inspire pas grand-chose (rires). Malheureusement, il n'y a plus de réalisateurs comme Koji Wakamatsu, et on voit beaucoup de films gravitant autour de l’univers télévisuel. Mais ce sont aussi ces films qui attirent le plus de spectateurs … Ryuichi Hiroki vous a donné vos deux grands rôles dans Vibrator et It’s only talk. Comment s’est passée votre rencontre ? Dans un bar ! (en français, rires). En fait, on s'est rencontré complètement par hasard dans un bar où Hiroki organisait une audition pour trouver une fille qui allait jouer le rôle principal de Vibrator. Il m'a vu de dos en train de boire un verre, et a dit « je veux une fille comme elle, quelqu’un dont le dos dégage une certaine tristesse ». A ce moment là, il ne savait pas qui j'étais, il m’a seulement reconnu par la suite ! Juste de dos ? Oui (rires) Dans Vibrator, votre personnage à la dérive rappelle certains rôles typiques du roman-porno, en particulier celui de Junko Miyashita dans La Femme aux cheveux rouges (1979). Que pensez-vous de ce rapprochement ? |
Certains spectateurs qui ont vu Vibrator ont justement fait les mêmes remarques, et m’ont dit avoir vu des points communs avec le film de Kumashiro. Cependant, je pense que le réalisateur Hiroki avait plutôt un projet bien personnel en tête… on ne parle plus beaucoup de cette actrice et de ce rôle de nos jours au Japon [3]. C’est comme ça que je vois les choses. | Connaissiez-vous Koji Wakamatsu avant de tourner Caterpillar ? Vous n’avez pas craint sa réputation sulfureuse ? Oui je le connaissais. J'avais déjà vu son film United red army auparavant , et j’ai senti combien cela devait être un réalisateur dur. En réalité, il s’est révélé être quelqu’un de très gentil, généreux et attentionné. En fait, il ne dirige pas vraiment les acteurs, il nous laisse nous comporter de façon très naturelle. Votre expérience sur Vibrator vous a elle aidé pour la composition des scènes érotiques ? En fait, peut-être plus que Vibrator, c’est surtout l'expérience de Akame qui m'a servi, c’était la première fois que je tenais le rôle principal dans un film. Je me suis déjà déshabillée dans plusieurs films, donc le fait que je sois dénudée à l'écran ne m’a pas posé problème. C'est vraiment une expérience moins traumatisante que ce que les gens pensent (rires). Et plus généralement, avec quels réalisateurs aimez vous travailler ? |
Evidemment avec des réalisateurs comme Koji Wakamatsu, Ryuichi Hiroki ou Genjiro Harato [4] avec qui j'ai déjà collaboré. Mais si je ne travaille qu'avec ces trois là, il est évident que ne peux pas tenir ce métier d'actrice au cinéma. Je me dois donc de trouver de nouveaux défis avec d'autres cinéastes. Mais malheureusement, il n'y a pas beaucoup d’autres cinéastes japonais qui puissent vraiment montrer et décrire les femmes. | Qu’a changé votre Prix d’interprétation à Berlin ? Ce prix m'a donné confiance en moi. Mais en même temps je dois continuer à marcher en avant. Il ne faut pas qu'on me dise tout le temps que je suis celle qui a reçu l'Ours d'Argent. Il faut que je mette la barre très haute, il faut aller de l’avant ! |
Propos recueillis par Saïd Ali Saïd Omar - Juillet 2010. Traduction de Shoko Takahashi. Entretien réalisé dans le cadre du festival Paris Cinema. Photo © Artemis
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