Période de crise cinématographique, la décennie des années 80 fut un ventre mou où le genre érotique fut frappé de plein fouet par l’émergence d’un nouveau mode de consommation amené par la démocratisation de la vidéo. Aux restrictions drastiques de budgets vinrent se greffer une exaspération de formules érotiques usées jusqu’à l’os. Les roman-porno, déclinaisons maison de la Nikkatsu, en furent les malheureux emblèmes déliquescents à l’image des multiples déclinaisons SM des nouvelles d’Oniroku Dan, bientôt transformées en simples tunnels glauques qu’une esthétique eighties clinquante ne vint en rien rattraper. Pourtant d’autres studios continuèrent aussi d’œuvrer en parallèle, et sans doute moins soucieux du standing d’une gloire révolue, s’attachèrent à dépoussiérer le genre en amenant un brin de fraicheur et d’ironie. Série populaire de la Shintoho (trois opus tournés entre 1985 et 1986), les aventures du SM Hunter (Jigoku no roppa, soit Le Maitre-SM de l’Enfer) s’illustrent à travers une veine parodique où les habituelles trames érotiques laissent place à des films mouvementés narrant les oppositions de figures fortes, un dispositif où l’élément érotique devient la manifestation outrancière de leur lutte. Figure improbable, Shiro Shimomoto incarne un personnage manga-esque transformant ses cordes en armes pour défendre la veuve et l’orphelin. Entouré d’une aura surnaturelle, le héros-titre convoque ainsi dans un joyeux désordre l’imagerie mystérieuse du maitre SM avec celle du cow-boy (usage des cordes comme d’un lasso, entêtante mélodie moriconniene en mode disco) ou bien encore du justicier romantique. Ainsi celui qui se définit, non sans malice, comme un ‘sadique charitable’ viendra secourir un homme dont le petit ami est séquestré et violé par les Bombers, un groupe de bad-girls à la sexualité débordante. Menant sa mission en convertissant par le plaisir ces femmes belliqueuses, il finira par affronter en duel leur chef au cours d’un duel mémorable. | |
![]() | Shiro Shimomoto en action dans un dispostif typique du sous-genre SM | La trame n’est ici que support à une peinture parodique du genre SM tout entier. Ainsi le film se construit par la distance et le regard qu’il pose avec ces codes immuables, tout en s’offrant comme confident complice avec le spectateur avec moult clins d’œil et autres références cinématographiques, voir les retrouvailles romancées parodiant la célèbre réplique-titre ‘Quel est ton nom’ ? (Kimi no na wa, 1953) pour devenir ‘Voici ta corde’ (Kimi no nawa). Une ironie omniprésente qui fonctionne à plein grâce à un imperturbable sérieux de façade dévoilant idées saugrenues et autres dialogues mêlant de réjouissantes punchline sur la nature sacrée du SM et les rapports conflictuels entre les deux sexes. Dans le prolongement de cette approche, les éléments caractéristiques des rituels SM se trouvent outrageusement détournés, voir l’hilarante introduction où un client du Donjon des Plaisirs illustre de sa personne le vaste menu des réjouissances aussi bien sadiques que masochistes. L’aura ‘mythologique’ du héros permet aussi quelques tours de cordes bien frappés avec la ‘technique secrète de la toile d’araignée’ ou encore l’élévation d’une femme ligotée au plafond d’une grange ou carrément d’une grue ! Une vision ludique éloignée des habituels clichés misogynes puisque hommes et femmes payent ici invariablement de leurs corps les accès incontrôlés de la libido de leurs congénères. Contournant habilement les contraintes budgétaires en offrant la vision farfelue d’un monde hybride évoluant entre paysages industriels, caves obscures et autres grange abandonnées à la mode western, la réalisation soutient efficacement un script où les acteurs au diapason semblent prendre un vrai plaisir à incarner les personnages truculents au sein d’une pellicule d’exploitation excessive en diable. |
Un film de Shuji Kataoka | 1986 | Avec Shiro Shimomoto, Hiromi Saotome, Naomi Sugishita, Yutaka Ikejima | Autre titre : Kinbaku - SM - 18-sai | Disponible en DVD chez Pink Eiga • Une chronique de Martin Vieillot
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