.Cinéma indépendant & Art Theatre Guild
 
 
L'avènement des productions indépendantes


"Une page folle" (1926)
Lorsque apparurent les premières productions indépendantes (dokuritsu puro) dans les années vingt, le contexte était alors fort différent. Premier grand studio fondé en 1912, la Nikkatsu généralisa rapidement un système de production qui laissa de nombreux réalisateurs et acteurs mécontents. En réaction, ces employés quittaient délibérément les studios afin de créer des compagnies qu'il faut bien distinguer des autres structures indépendantes antérieures aux studios. Les raisons qui motivèrent la création des dokuritsu puro étaient variées. Certains devinrent ‘indépendantes' pour des raisons artistiques, comme le cas de Kinugasa Teinosuke qui fonda sa propre compagnie de production en 1926 afin de pouvoir réaliser l'ambitieux Kurutta ippeiji («  Une page folle »), chef d'œuvre du cinéma d'avant-garde. Un autre exemple est celui de Makino Shozo qui perdit ses illusions à cause du conservatisme de la Nikkatsu et quitta le studio en 1921 pour créer sa compagnie Makino kyoiku eiga seisakusho , plus tard rebaptisée Makino Kinema (1923) puis finalement Makino Production (1926) ; une structure qui joua un rôle important dans le développement du cinéma japonais. Plusieurs réalisateurs importants émergèrent de Makino Production, comme ses fils Makino Masahiro et Matsuda Sadatsugu qui réinventèrent le genre du jidaigeki . Cependant dans la plupart des cas, ce furent des considérations économiques qui poussèrent acteurs et réalisateurs à créer leurs propres compagnies. En parallèle au système des studios, se développa bientôt un star-system où acteurs et actrices phares commencèrent à faire de l'ombre aux benshi, les indispensables narrateurs du cinéma muet. Très tôt les vedettes commencèrent à demander leur part aux bénéfices. Kataoka Chiezo, Bando Tsumasaburo, Arashi Kanjuro et Tsukigata Ryunosuke, acteurs majeurs du jidaigeki , fondèrent leurs propres maisons de production qui marquèrent l'avènement des véhicules à stars. Un phénomène similaire à celui observé dans les années soixante lorsque des acteurs populaires tels Mifune Toshiro ou Katsu Shintaro créèrent leurs propres compagnies.


Yamanaka (à gauche) en compagnie d'Ozu
De cette manière, les stars étaient capables de faire plus d'argent tout en ne dépendant plus d'un seul employeur et bénéficiaient d'une liberté artistique plus grande. Pourtant, ces stars étaient toujours en quelque sorte dépendantes des grands studios avec qui elles avaient un intérêt réciproque à collaborer. De nombreux cinéastes importants tels Itami Mansaku, Inagaki Hiroshi ou Yamanaka Sadao émergèrent de ce type de ‘films de star' qui fleurirent entre les années vingt et trente. A partir du milieu des années trente, et parallèlement au durcissement progressif du contrôle de l'état, nombre de ces compagnies indépendantes furent absorbées ou supplantées par les grands studios qui gagnaient en pouvoir et dominaient le marché du film. En 1941, le gouvernement de guerre ordonna la fusion de toutes les compagnies cinématographiques en trois pôles : Shochiku, Toho et la nouvellement créée Daiei. Ceci marqua la fin de la première période des productions indépendantes.


Revue japonaise - Films prolétariens (1930)
‘Revue japonaise ‘Films prolétariens (1930)' Une vue d'ensemble des producteurs de films indépendants d'avant-guerre ne serait pas complète sans mentionner la Ligue des Films Prolétaires ( Purokino ). Fondée en 1927, ce mouvement communiste connu une existence brève (il fut interdit dès 1934). Se différenciant des productions évoluant dans le cadre strict d'un cinéma commercial, le mouvement Purokino avait une finalité principalement politique. Le Purokino jouait un rôle important en promouvant une forme alternative de diffusion des films. Un des préceptes du mouvement était que le cinéma devait aller vers le peuple et non l'inverse. Ce mouvement rejetait les salles de cinéma classiques et amenaient, dans une démarche d'activisme politique, leurs documentaires et films d'animations jusque dans les usines et salles publiques. Ce mouvement anti-capitaliste milita non seulement pour l'indépendance des productions mais aussi pour l'indépendance des modes de diffusion vers le public. Ces méthodes alternatives de production, distribution et projection ( jishu eiga et jishu joei ) constituèrent des modèles importants pour les productions indépendantes d'après-guerre à venir.