.Cinéma indépendant & Art Theatre Guild
 
 

Les films indépendants d'après-guerre

Une seconde vague de production indépendante émergea à la fin des années quarante, cette fois surtout motivée par des raisons politiques. Apres la guerre, les studios durent se conformer aux ordres des forces d'occupation dirigée par les Etats-Unis. Ils durent aussi négocier avec les unions travaillistes créées sous l'influence des alliés et qui exerçaient alors une pression considérable La Toho fut bousculée par trois mouvement de grèves majeurs qui conduisirent presque le studio à la ruine. Le troisième mouvement dura 195 jours et se termina en août 1949 par l'intervention de la police japonaise et de l'armée américaine. Plus tard, pendant la dénommée ‘Purge Rouge', la Toho et les autres studios prirent leur revanche en licenciant leurs employés politiquement orientés à gauche. Le déclenchement de la Guerre Froide causa un changement de la politique d'occupation menant à la suppression des unions travaillistes à dominante communiste. En 1950 sur ordre du général MacArthur, les membres et sympathisants au Parti Communiste furent tout d'abord écartés des postes officiels puis plus tard des emplois du secteur privé. Ainsi, plus de trois-cent personnes de l'industrie cinématographique perdirent alors leur travail.


"L'école de Yamabiko" (1952)

En réaction, beaucoup de cinéastes de gauche fondèrent leurs propres compagnies. Yamamoto Satsuo, Imai Tadashi et Kamei Fumio créèrent la Shinsei Eigasha (Kamei fonda plus tard sa propre Kinuta Puro) , Yoshimura Kozaburo, Shindo Kaneto et Yamada fondèrent la Kindai Eigasha , sans oublier nombres de compagnies de gauche telles la Yagi Puro , Shinseiki Eigasha , Gendai Puro et Mingei Puro . Avec le support des unions travaillistes ainsi que du Parti Communiste apparurent des films sur le prolétariat et la lutte des citoyens contre la bureaucratie et l'état. Ces films critiquaient l' establishment et exposaient les contradictions de la société japonaise d'après-guerre. La plupart de ces productions étaient distribuées par Hokusei Eiga , un distributeur de films soviétiques. Ces films étaient également montrés dans des cercles cinéphiles organisés par des unions travaillistes ainsi que dans des petites et moyennes salles de cinéma supportant ces cinéastes indépendants. Certains films étaient directement financés par les unions travaillistes : Onna hitori daichi o yuku («  La femme marchant seule sur la Terre  ») de Kamei Fumio en 1953 financé par l'Union des Mineurs japonais de Hokkaido , Yamabiko gakko («  L'école de Yamabiko  ») de Imai Tadashi en 1952 par l'Union des professeurs de Yamagata ou encore Hiroshima de Sekigawa Hideo en 1953 par l'Union Nikkyoso des professeurs du Japon .

A l'époque où ces films furent produits, les studios avait achevé leurs restructurations et compensé la perte de leurs employés talentueux causée par la Purge Rouge. En 1953, la Toei introduisit le principe des double programmes ( nihontate ) bientôt suivi par les autres studios. A cause de la généralisation de ce double-billet, les studios durent maintenant fournir leurs salles de cinémas avec deux films hebdomadaires. S'ils ne pouvaient y parvenir seul, alors ils se tournaient vers des films produits en indépendants pour remplir leur programmation. Au final, les cinéastes indépendants profitèrent de ces aménagements car cela leur permettait de toucher un public plus large. Le grand perdant fut le distributeur indépendant Hokusei Eiga qui fit faillite en 1953. Bien que la plupart des films indépendant d'après-guerre furent l'œuvre de cinéastes de gauche, il est à noter que certaines productions ne furent pas motivées par des idéaux politiques. Shimizu Hiroshi, Gosho Heinosuke ou l'acteur-devenu-réalisateur Saburi Shin ont ainsi livré des œuvres indépendantes, alors que leurs films étaient normalement distribués par les studios Shintoho, Shochiku et Daiei.

Durant les années vingt jusqu'au début des années trente, les compagnies indépendantes profitèrent d'une relative faiblesse budgétaire des studios. Après la guerre, elles tirèrent parti des conflits internes qui secouaient les studios et des restrictions ordonnées par les forces d'occupation comme l'interdiction des populaires jidaigeki. Si ces compagnies surent occuper avec succès certains segments du marché du film, elles étaient souvent dépendantes des studios soit comme sous-traitant soit pour remplir leur programmation. Lorsque les studios retrouvèrent leur plein pouvoir lors de l'Age d'or de la fin des années cinquante, il n'y avait quasiment plus aucune place pour les indépendants. En 1959, quand la production cinématographique était à son niveau le plus élevé, il n'y avait tout simplement plus aucunes productions indépendantes. Ainsi s'achève la seconde vague du mouvement des indépendants.