.Cinéma indépendant & Art Theatre Guild
 
 

Art Theatre Guild


"Rashomon" (1951)

Le Lion d'Or remporté par le Rashomon de Kurosawa Akira au Festival de Venise en 1951 donna au cinéma japonais sa première ouverture sur le marché international. Le succès consécutif d'autres films nippons dans les festivals européens démontra de façon claire la force de cette industrie cinématographique. Pourtant les exportations de films ne pouvaient se comparer aux importations. Les films étrangers avaient toujours été populaires au Japon, mais suite à la 2 ème Guerre Mondiale leur nombre fut limité en raison des taux de change, et des quotas étaient imposés aux distributeurs. Quand dans les années 50 la production locale s'imposa au détriment des œuvres étrangères, les distributeurs choisirent la prudence, préférant des films au succès commercial garanti à des œuvres ambitieuses ou « difficiles ». Il y eut plusieurs tentatives pour corriger ce déséquilibre. L'une d'elle fut lancée par le groupe Cinema 57, fondé en 1957 par les jeunes cinéastes Teshigahara Hiroshi, Hani Susumu, Matsuyama Zenzo et Kawazu Yoshiro, les critiques Ogi Masahiro, Kusakabe Kyushiro  et Maruo Sadamu (plus tard directeur du National Film Center), Sakisaka Ryuichiro, rédacteur en chef du journal Geijutsu Shincho, et Mushanokoji Kanzaburo. Leur premier projet fut le film Tokyo 58 , montré au premier Festival du Film Expérimental de Bruxelles en 1958. Une autre réalisation fut la création de l'Association du Mouvement Théâtral Artistique Japonais (Nihon ato shiata undo no kai), visant à la création de cinémas spécialisés dans la diffusion de film d'art et d'essai à but non commercial. Se joignirent plus tard à l'Association le critique Togawa Naoki, le réalisateur Horikawa Hiromichi et Kawakita Kashiko, vice-présidente de la Towa , qui devint une force motrice de l'association.


"Kawakita Kashiko"

Avant la guerre, Kawakita Kashiko avait avec son mari Kawakita Nagamasa fait venir de nombreux films du patrimoine européen. Après la guerre, ils continuèrent à s'y consacrer. Dans les années 50, Kashiko passa deux ans en Europe et se familiarisa avec le mouvement du cinéma d'art et d'essai, qui prit une ampleur internationale lors de la fondation en 1955 de la C.I .C.A.E. (Confédération Internationale des Cinémas d'Art et d'Essai). A son retour au Japon elle travailla à la mise en place d'une Cinémathèque comparable à ses modèles français et anglais et d'un cinéma prenant modèle sur le National Film Theatre de Londres, qui avait fait son ouverture en 1957 passant Kumonosu-jo («  Le château de l'araignée  », 1955) de Kurosawa Akira. Kawakita Kashiko et l'Association du Mouvement Théâtral Artistique Japonais étaient supportés par Mori Iwao , alors vice-président de la Toho et un partenaire privilégié des Kawakita. Mori avait commencé comme critique et avait écrit la première étude japonaise approfondie sur l'industrie du cinéma américain. Il se mit alors à écrire des scénarios, devint producteur et lança dans les années vingt « L'association de Recommandation des Bons Films » (Yoi eiga o susumeru kai). Mori sut convaincre Iseki Taneo, le président de Sanwa Kogyo, de les financer et le 15 Novembre 1961 fut créée l'Art Theatre Guild of Japan (Nihon ato shiata girudo / ATG) avec Iseki pour premier président. Dans les années vingt, Iseki avait supervisé la programmation du Musashinokan, l'un des plus prestigieux cinémas de Tokyo consacré aux premières exclusivités. Plus tard il travailla pour la Shochiku et la PCL (l'ancêtre de la Toho ) et en 1946 se mit à son propre compte, fondant la chaîne de cinémas Sanwa Kogyo, devenant ainsi exploitant. Sanwa Kogyo investit un million de yens et un cinéma dans l'entreprise, Toho rajouta cinq millions et cinq cinémas (le Nichigeki Bunka à Tokyo, le Meiho Bunka à Nagoya, le Kitano Cinema à Osaka, le Toho Meigaza à Fukuoka et le Koraku Bunka à Sapporo). Les exploitants Eto Rakutenchi, Teatoru Kogyo et OS Kogyo mirent chacun un million, plus quatre cinémas (le Sotetsu Bunka à Yokohama, le Korakuen Art Theatre à Tokyo, le Kyoto Asahi Kaikan à Kyoto et le Sky Cinema à Kobe). L'Art Theater Guild eut ainsi à sa disposition 10 cinémas répartis dans le Japon.

En avril 1962, l'ATG lança sa programmation avec Matka Joanna od aniolów («  Marie Jeanne des Anges  », 1961) du réalisateur polonais Jerzy Kawalerowicz. La sélection fut opérée par un comité composé avant tout de critiques, avec au moment de sa création Iijima Tadashi, Iida Shinbi, Izawa Jun, Uekusa Jin'ichi, Shimizu Chiyota, Togawa Naoki, Nanbu Keinosuke et Futaba Juzaburo. La plupart d'entre eux avaient écrit pour les programmes du Musashinokan et connaissaient Iseki Taneo depuis cette époque. S'ajoutèrent plus tard Ogi Masahiro, Hani Susumu, Matsuyama Zenzo, Sakisaka Ryuichiro, Kusakabe Kyushiro, Maruo Sadamu et Kawakita Kashiko. Teshigahara Hiroshi ne put participer, car travaillant déjà sur Otoshiana («  Le traquenard  », 1962), que l'ATG distribua plus tard.

Publicités japonaises pour :
"Résurrection" (Shvejtser,1960)
"Tourments" (Sjöberg,1944)
"Le prix d'un homme" (Anderson,1963)

La création d'un comité indépendant constitua une approche radicalement novatrice. La plupart des membres étant critiques, la sélection des films se faisaient avant sur des critères artistiques et non plus commerciaux. Au départ les films sélectionnés furent à dominance européenne, le plus souvent contemporains avec toutefois certains qui n'avaient jamais été montrés au Japon, comme Citizen Kane et les films de Sergei Eisenstein. En plus des chefs-d'œuvre de Bergman, Cocteau, Antonioni, Buñuel, Fellini, Resnais et d'autres cinéastes établis, l'ATG s'intéressa à des cinéastes moins connus, le jeune cinéma polonais (Kawalerowicz, Wajda, Munk), la Nouvelle Vague Française (Godard, Truffaut, mais aussi Agnès Varda et Bertrand Blier), des réalisateurs soviétiques (Kalatozov, Shvejtser, Kheits, Parajanov) et des rebelles comme John Cassavetes et Tony Richardson, sans oublier Satyajit Ray et Glauber Rocha. L'ATG joua ainsi un rôle clé dans la création d'une nouvelle perception de l'histoire du cinéma au Japon. Sorti des films étrangers, l'ATG distribua plusieurs films indépendants japonais, Otoshiana de Teshigahara ou les films de Shindo Kaneto, Hani Susumu, Kuroki Kazuo, Yoshida Yoshishige, Oshima Nagisa et Jissoji Akio, dont l'ATG produira les films suivants.

Affiches originales de
"La torpille humaine" (Okamoto,1968)
"Le Silence n'a pas d'ailes" (Kuroki,1966)

Si la méthode concernant le choix des films était novatrice, la façon de les exploiter l'était aussi. L'une des règles principales de l'ATG était que la durée de diffusion d'un film était au minimum d'un mois, quelle que soit la fréquentation. Dans les années soixante, la programmation était changée toutes les semaines, et un succès commercial restait rarement un mois à l'affiche. L'un des étendards de l'ATG fut le Cinéma d'Art Shinjuku Bunka à Tokyo, qui fut géré par Kuzui Kinshiro et resta un lieu essentiel jusqu'au milieu des années soixante-dix. Le Shinjuku Bunka avait été construit en 1937 sous l'égide de la Toho. Kuzui l'adapta à ses propres besoins et créa un style de salle totalement différent. L'endroit est entièrement peint en gris foncé, les affiches et toutes autres publicités voyantes étaient bannies, les séances n'avaient lieu qu'en après-midi (là où la plupart des salles ouvraient le matin), les places étaient larges et confortables, les rangées suffisamment espacées pour ne pas obliger les spectateurs à se lever pour laisser passer une personne et à l'inverse des autres cinémas, les gens ne pouvaient entrer en pleine projection, mais devaient attendre la séance suivante. Le hall tenait lieu de galerie où des peintres et artistes réputés exposaient leurs travaux. Les affiches de l'ATG étaient créées par des artistes connus et étaient radicalement différentes de leurs homologues traditionnels.

"Sain" (1963) de Adachi Masao

Une fois les séances du soir terminées, Kuzui, qui s'intéressait également au théâtre moderne, commença à organiser des représentations et fut aidé par la scission de plusieurs troupes avec les réseaux traditionnels au début des années soixante, et se trouvant dès lors à la recherche de nouvelles salles de spectacle. La première représentation donnée au Shinjuku Bunka fut l'avant-première de The Zoo Story d'Edward Albee le 1 er juin 1963, suivies d'autres pièces d'Albee, Tennessee Williams, Samuel Beckett, Harold Pinter, LeRoi Jones, Tankred Dorst, Jean Genet, Edward Bond, Barbara Garson et plusieurs autres dramaturges étrangers contemporains, le plus souvent des premières au Japon. On donna également des représentations tirées d'auteurs japonais influents tels que Terayama Shuji, Kara Juro, Betsuyaku Minoru, Shimizu Kunio et Mishima Yukio. Le Shinjuku Bunka devint ainsi non seulement l'un des cinémas les plus importants du Japon mais aussi (et malgré la scène minuscule) l'un des principaux vecteurs du théâtre moderne. Kuzui envisagea une expansion du Shinjuku Bunka pour en faire un véritable cinéma d'art et d'essai. Il projeta avec les production ATG des courts-métrages expérimentaux, dont les travaux de Iimura Takahiko, Tomita Katsuhiko, Donald Richie, Obayashi Nobuhiko (qui virent là leurs premières projections publiques), Itami Juzo (créateur du logo de l'ATG) et Sain de Adachi Masao, montré au premier ‘Night Road Show' de 1965. Le Shinjuku Bunka fut le premier cinéma à projeter des films passé 9 heures, une pratique plus tard reprise par de nombreuses petites salles.

Devant le Shinjuku Bunka (à droite Mishima Yukio en conversation avec Kuzui Kinshiro

Afin de diffuser des films même tournés en 8 et 16 mm dans la meilleure qualité possible (l'écran du Shinjuku Bunka étant trop grand pour ces formats), Kuzui fit construire une petite salle au sous-sol réservée à ces films et à des représentations théâtrales, des concerts et autres évènements. Le Sazori-za fut inauguré le 10 juin 1967 par un numéro de la danseuse de flamenco Komatsubara Yoko, le premier film projeté fut Gingakei («  Galaxie  », 1967) de Adachi Masao. Ce fut Mishima Yukio qui eut l'idée du nom Sasori-za (salle scorpion) en hommage au film Scorpio Rising de Kenneth Anger, déjà projeté au Shinjuku Bunka. Le Sasori-za fut le premier cinéma underground japonais, et fut bientôt suivi par d'autres. C'était aussi bien un centre du cinéma et théâtre expérimental (en plus du Sogetsu Art Center de Teshigahara) qu'un lieu de rencontre populaire pour toutes sortes d'artistes. On alternait projections et pièces de théâtre, concerts et récitals, happenings et numéros de danse de Hijikata Tatsumi, créateur du butoh. Le Sasori-za devint l'un des centres majeurs de l'avant-garde japonaise, et un modèle pour de nombreuses salles underground. Cinq jours après l'ouverture du Sasori-za, l'ATG sortit sa première coproduction Ningen johatsu («  L'évaporation de l'homme  », 1967), le documentaire controversé de Imamura Shohei. L'idée de non seulement distribuer mais aussi produire des films avait germé en 1965 avec Yukoku Patriotisme ») de Mishima Yukio, son seul travail de cinéaste, qui fut projeté avec succès au Shinjuku Bunka. Ne durant que vingt-huit minutes, le film fut projeté en double programme avec Le journal d'une femme de chambre de Luis Buñuel. Yunbogi no nikki Le journal de Yunbogi », 1965) de Oshima Nagisa connut un accueil similaire. Ce sont ces triomphes qui poussèrent l'ATG à se lancer dans la production.

Le Sasori-Za

Se basant sur les chiffres de leurs précédents films, l'ATG estima qu'un budget de 10 millions de yens (moins de 25000 euros) suffirait à couvrir les frais de production. L'ouverture du marché de l'import fut le dernier élément à permettre le passage à la production. En 1964, la limite officielle à l'importation de films étrangers fut abolie, tout comme les quotas un nombre donné de films à chaque distributeur. L'une des conséquences de cette libéralisation fut la hausse des coûts de distribution, si bien qu'il fut de moins en moins intéressant d'importer des films étrangers. L'ATG décida donc qu'il sera plus rentable de produire ses propres films.

Dans le cas du Ningen johatsu d'Imamura, l'ATG ne s'était pas impliquée au début du projet, mais intervint dans les dernières phases de la production. Le premier film intégralement produit par l'ATG fut Koshikei («  La pendaison  ») de Nagisa Oshima, qui sortit en 1968. Les coûts de production furent divisés entre l'ATG et la société d'Oshima, Sozosha. Les films qui suivirent furent financés selon le même schéma, à égalité entre l'ATG et le réalisateur. Comparés aux films de studios, les budgets étaient plutôt modestes, et même si le budget de dix millions suffisait rarement, les productions ATG furent étiquetées « film à dix millions » (issenman-en eiga).

Logos de l'ATG et du Sasori-Za

Là encore les projets étaient sélectionnés par un comité de critiques, avec au départ les réalisateurs de la Nouvelle Vague au centre de la production. Nombre de leurs films majeurs furent ainsi financés par l'ATG : Koshikei («  La pendaison  », 1968), Shonen («  Le petit garçon  », 1969), Tokyo senso sengo hiwa («  Il est mort après la guerre  », 1970), Gishiki («  La cérémonie  », 1971) et Natsu no imoto («  Une petite sœur pour l'été  », 1973) de Oshima Nagisa ; Rengoku Eroika (« Purgatoire Heroïca  », 1970) et Kaigenrei («  Coup d'Etat  », 1973) de Yoshida Kiju, Shinju ten no Amijima («  Double Suicide à Amijima   », 1969) et Himiko (1974) de Shinoda Masahiro, ainsi que Hatsukoi jigoku-hen («  Premier amour, version infernale  » 1968) de Hani Susumu. L'ATG distribua également Ninja bugeicho («  Carnets secrets de ninja  », 1967) et Shinjuku dorobo nikki («  Journal d'un voleur de Shinjuku  », 1968) de Oshima, ainsi que les films de Yoshida Saraba natsu no hikari («  Adieu lumière d'été  », 1968), Eros+Massacre (1970) et Kokuhakuteki joyuron («  Aveux, théories et actrices », 1971). L'importance de l'ATG vis-à-vis de la Nouvelle Vague ne peut en aucun cas être niée.

Eros + Massacre (1970)
La pendaison (1968)

A la même époque, l'ATG donna à plusieurs réalisateurs expérimentaux l'occasion de mettre en scène leurs fantasmes les plus extrêmes, à commencer par Matsumoto Toshio avec Bara no soretsu Les funérailles des roses  », 1969) et Shura («  Pandémonium  », 1971), puis Terayama Shuji avec Sho o suteyo machi e deyou («  Jetons les livres et sortons dans la rue  », 1971) et Den-en ni shisu («  Cache-cache pastoral  », 1974), des films rendus possibles par l'ATG, qui produisit également le dernier film de Terayama, («  Adieu l'arche  », 1984). Jissoji Akio et Kuroki Kazuo, à l'approche tout aussi expérimentale, devinrent à leur tour des piliers de l'ATG. Jissoji avait commencé à la télévision et n'avait tourné qu'un court-métrage, Yoiyami semareba L'approche de l'ombre de la nuit », 1969), que l'ATG avait distribué en double programme avec Shinjuku dorobo nikki . Mujo Une vie transitoire », 1970) fut le premier des quatre films que Jissoji réalisa pour l'ATG. L'histoire de cette liaison incestueuse entre un frère et une soeur devint le plus gros succès de l'ATG et reçut une reconnaissance internationale en gagnant le Grand Prix au Festival de Locarno en 1970. Avec Yukoku de Mishima, ce fut le film le plus férocement controversé lors de la conférence du FIPRESCI sur « L'érotisme et la violence au cinéma » tenue à Milan en Octobre 1970. Néanmoins, et comme de nombreuses autres œuvres, le film tomba rapidement dans l'oubli et attend toujours de retrouver sa place parmi les chefs d'œuvre du cinéma japonais, un fait également valable pour les films que Kuroki Kazuo tourna à cette période. L'ATG distribua sa première réussite Tobenai chinmoku Le silence n'a pas d'ailes ») en 1966 et produisit ses films suivants Nihon no akuryo Les esprits maléfiques du Japon », 1970), Ryoma ansatsu L'assassinat de Ryoma », 1974), Matsuri no junbi ( «  En attendant la fête  » 1975) et Genshiryoku senso Les amants égarés », 1978).

"Une vie transitoire" (1970)
"Cache-cache pastoral" (1974)

D'autres cinéastes, dont beaucoup avait travaillé pour les studios, eurent l'occasion de tourner des projets qui leur étaient chers et qu'ils ne pouvaient faire financer ailleurs : Okamoto Kihachi réalisa Nikudan ((« La torpille humaine », 1968), Tokkan (1975), Nakahira Ko Hensokyoku La Variation », 1976) et Kumai Kei Chi no mure Le troupeau terrestre », 1970), tandis que Masumura Yasuzo tourna Ongaku («  Musique  », 1972), Sonezaki shinju («  Double Suicide à Sonezaki  », 1978), Nakajima Sadao Teppodama no bigaku Esthétiques d'une balle », 1973), et Nakagawa Nobuo son chant du cygne Kaidan Ikiteiru Koheiji Koheiji est vivant », 1982).

Les premiers films de l'ATG furent profondément influencés par le climat politique explosif de la fin des années soixante/début des années soixante-dix. Le sommet de leurs films politiques reste Tenshi no kokotsu («  L'extase des anges  ») de Wakamatsu Koji, qui en 1971 touchait plus à l'actualité de l'époque qu'aucun autre film. Le film fut écrit par Adachi Masao, qui deux ans plus tard allait rejoindre le Liban pour devenir un membre de l'Armée Rouge Japonaise. Anticipant l'action terroriste de la branche armée de l'extrême gauche de façon quasi prophétique, le film causa l'un des plus gros scandales de l'histoire de l'ATG.

L'extase des anges (1971)
Errance (1973)

Après 1972, les sujets politiques furent relégués au second plan. On peut identifier deux courants de fuite en avant illustrés dans les films de l'ATG : la fuite d'un environnement urbain pour un cadre rural, et la fuite dans le passé ; Tsugaru jongara-bushi L'air de Jongara de Tsugaru », 1973) de Saito Koichi et Matatabi («  Errance  », 1973) de Ichikawa Kon , tout deux tournés en 1973 sont symptomatiques de ce développement : réalisés par des transfuges de grands studios, ils illustrent une poussée vers des films de plus en plus orthodoxes. L'ATG continua à travailler ouvertement avec des réalisateurs expérimentaux comme Takabayashi Yoichi et plus tard Obayashi Nobuhiko, mais les films produits après 1973 restent bien moins radicaux que ceux qui les ont précédés. La raison de ce changement, outre la mentalité de l'époque, fut la fermeture du Shinjuku Bunka en 1975, privant du coup l'ATG d'un atout majeur.


Kuzui Kinshiro

La plupart des salles de l'ATG durent fermer faute de profits et de prévoyance de la part des responsables. Le dernier film projeté au Shinjuku Bunka fut Den'en ni shisu de Terayama Shuji. A la fermeture du Kitano Cinema d'Osaka en 1978, le Nichigeki Bunka de Yurakucho devint la dernière des dix salles d'origine à être encore directement gérée par l'ATG qui avec la fermeture du Shinjuku Bunka vit la fin de son âge d'or. Kuzui Kinshiro, incarnation de l'esprit de l'ATG (bien qu'il fut l'employé de Sanwa Kogyo et n'ait jamais fait officiellement partie de l'ATG) resta un temps comme producteur indépendant, mais son rôle de producteur principal fut repris par Taga Shosuke, qui avait supervisé les programmations dès les débuts de l'ATG. La Toho reprit le Shinjuku Bunka et relança une salle réaménagée avec Emmanuelle de Just Jaeckin. Les films érotiques furent une bouffée d'air pour beaucoup et fut le seul marché en explosion durant les années soixante-dix. De nombreux cinéastes voulurent néanmoins échapper à ce cadre et l'ATG donna à de nombreux réalisateurs de Roman Porno tels Sone Chusei, Yamaguchi Seiichiro, Kumashiro Tatsumi, Ohara Koyu, Negishi Kichitaro, Ikeda Toshiharu, Takahashi Banmei et Izutsu Kazuyuki, l'occasion de s'imposer en dehors du genre érotique.

Parmi les exilés de la Nikkatsu on trouve également Hasegawa Kazuhiko, qui débuta avec grand succès à l'ATG avec Seishun no satsujinsha  L'assassin de la jeunesse  », 1976). Le film marqua une nouvelle politique pour l'ATG : la mise en avant de jeunes réalisateurs sans grande expérience.