.Cinéma de genre : l'influence Okura
 
 

Le tournant Okura


Mitsugu Okura
Ce changement de cap, Mitsugu Okura l'impulse en arrivant aux commandes du studio en décembre 1955. Alors âgé de 56 ans, l'homme a un parcours atypique dans le monde du cinéma. D'abord benshi (narrateur de films muets), il devient par la suite gérant d'une chaîne de salles de cinéma, une expérience où il apprend à jauger de façon directe les goûts et attente du public. Personnage haut en couleur, Okura travaille ensuite comme promoteur de carnavals et de cabarets grotesques. Ainsi rompu à la gestion et à la promotion, sa prise de pouvoir à la Shin-Toho marque d'un violent soubresaut tout l'héritage traditionnel du jeune studio. Les changements sont notables et affectent toutes les branches du métier. L'aspect technique tout d'abord, les budgets des films sont compressés autant que possible, les périodes de tournage réduites, le recours à la construction de décors évité autant que possible. Economie encore avec la durée des films ramenée à 80 minutes maximum (pour quelques fois atteindre péniblement les 50 minutes) permettant ainsi la généralisation du double-programme qui devient la règle commerciale suivant en cela la démarche initiée par la Toei dès 1954. A une époque où la couleur fait ses premières percées, Okura ne cède pas à la coûteuse tentation des pellicules couleurs et reste fidèle au noir et blanc bien plus économique. La gestion des équipes techniques et des acteurs n'échappe pas aux bouleversements. Okura ne conserve qu'un pool réduit de réalisateurs dociles, pour la plupart débutants, prêts à obéir à ses directives strictes ; des ‘artisans débrouillards' qui ont comme aptitudes communes d'œuvrer dans les limites de budgets et de délais impartis : Nobuo Nakagawa, Teruo Ishii, Goro Kadono, Morihei Matagani Du coté des acteurs, Okura conserve les vieux briscards rodés à l'exercice de la caméra et rassemble de charismatiques jeunes premiers pour toucher le jeune public. On peut ainsi voir les débuts de Bunta Sugawara, Tetsuro Tamba, Teruo Yoshida et Tomisaburo Wakayama. Quant au dit sexe faible, Okura recrute de nombreuses jeunes femmes qu'il tente de promouvoir en stars sexy ou femmes fatales   : Machiko Maeda, Yoko Mihara, Nahoko Kubo, Katsuko Wakasugi, Masayo Banri,...

Mais bien plus que ces mesures sommes toutes logiques, la vraie révolution concerne la nouvelle orientation thématique du studio qui n'hésite pas à doubler ses productions classiques de rejetons plus transgressifs et novateurs. En véritable agitateur, Okura se plait à explorer et amalgamer moult genres populaires dans des pellicules où le glamour sexy côtoie les zones sombres de l'être humain : sous-texte sexuel, perfidie et trahison, vengeance aux débordements sanglants. En quelques films-formules, Okura ne définit rien de moins que le cahier des charges d'un ‘cinéma d'exploitation' qui explosera littéralement la décennie suivante. Personnage en avance sur son temps, Okura lance d'agressives campagnes publicitaires aux atours sulfureux. Des opérations ‘marketing' calquées sur le modèle de celles qu'il mena pour ses promotions de carnavals. Racoleurs et volontiers portés à l'emphase sensationnaliste, les efforts de Okura portent notamment sur de carnavalesques affiches de films qui, à elles seules, résument la marque de fabrique du studio : couleurs agressives, postures suggestives et promesses de sensations nouvelles. Un racolage éhonté et une gestion serrée qui s'avèrent vite payant et empêche, in extremis, la banqueroute de la Shin-Toho. Désormais dotée d'une identité franche et assumée mêlant tradition et modernité, le studio au charismatique leader s'en va marquer de son empreinte la fin des années cinquante.


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