.Hani Susumu, l'innocence illusoire de l'être spontané
 
 

Filmographie commentée

Commentaires du cinéaste extraits de l'article "A propos de mes films" (Kinema Junpo n°369, 1964) et d'interviews publiées dans Les Cahiers du cinéma (1969).

 

Courts-métrages :

 

1952

Seikatsu to mizu ( La Vie et l'eau) 20 min

« Film de propagande pour le Ministère de la Santé publique. Ma première expérience derrière la caméra. Un documentaire autour du travail d'une équipe sanitaire dans une petite ville de province. J'étais vraiment effaré de voir les problèmes que rencontraient ces gens vivant sans eau courante. »

 

1953


Le festival de la neige (1953)

Yuki matsuri (La fête de la neige) 20 min

«  Documentaire à propos d'un village traditionnel, commandé par le village où le tournage s'est déroulé ainsi que par la ‘Commission Nationale pour la protection des Arts'.  »

Machi to gesui ( La Ville et ses égouts) 20 min

«  Film commandé par le Ministère de la Santé Publique.  »

 

1954

Anata no biiru (Votre bière)

«  Commandé par les brasseries Asahi. J'ai tourné ce film sans la moindre expérience d'assistant-réalisateur. Mon caméraman et moi ont dû recourir à de nombreuses astuces pour prouver notre capacité à rivaliser avec ceux bien plus expérimentés que nous.  »

 

1955

Kyoshitsu no kodomatachi (Les Enfants de la classe) 28 min

« Commandé par le Ministère de l'éducation nationale. Je considère ce film comme le premier où j'eus une totale liberté et un contrôle complet en tant que réalisateur. Ce fut le premier film où j'écrivis le scénario et travailla sur le montage et le son. L'intention première du ministère de l'Education nationale était de faire un film avec des enfants à destination de futurs enseignants. Ce film racontait l'histoire d'un enfant avec des difficultés d'intégration. Je trouvais que les enfants-acteurs étaient de trop bons élèves qui essayaient de plaire aux spectateurs adultes. Avec eux, il n'aurait pas été possible de décrire de vrais garnements. Ces enfants avaient leur propre façon de penser, et je voulais par dessus tout montrer leurs sentiments. Je pensais tourner dans une vraie école, avec de vrais élèves, mais on m'en a fortement dissuadé. J'ai malgré tout visité une classe. Pendant une demi-heure, ma présence a distrait l'attention des élèves. Deux ou trois heures plus tard, ils avaient complètement oublié ma présence. J'ai utilisé un téléobjectif, qui n'était pas très répandu à l'époque, pour éviter de rendre les enfants nerveux. Quand je commençais à tourner, la caméra émettait un bruit qui leur faisait détourner la tête. J'ai résolu ce problème en la couvrant d'une couverture. Le résultat me satisfait encore beaucoup à ce jour. »  

 

1956

Eokaku kodomotachi (Les Enfants qui dessinent) 38 min

« Bien que ce film ait été en partie financé par une entreprise privée, ce n'est en aucune manière un film ‘industriel''. Ce fut en effet mon premier projet personnel. Dans une école du centre de Tokyo, nous avons choisis trois élèves, tous en situation difficile, s'adaptant mal à la vie scolaire. Tous avaient aussi des problèmes familiaux. Le but était de sonder leur personnalité et ainsi pouvoir détecter et exprimer leurs problèmes. Cela m'avait semblé très délicat et difficile de traduire une telle proposition par le biais d'un scénario conventionnel. C'est pourquoi j'ai essayé de m'exprimer à travers leurs dessins. Je leur ai demandé de réaliser des dessins tout en les filmant en action. L'équipe n'était constituée que de quatre personnes : un caméraman, son assistant, moi et mon assistant-réalisateur ; le tournage a donné lieu à beaucoup d'improvisation. J'étais particulièrement concentré sur un élève lorsque je sentais que son imagination se libérer. Je n'avais pas l'intention de faire un film sur ce qu'il se passait en réalité, mais plutôt sur ce qui se passait dans l'esprit des élèves. »

Guruppu no shido (Enseignement en groupe) 28 min

« Commandé par le Ministère de l'Education Nationale. Nous avons tourné ce film en trois semaines pendant nous étions encore sur le tournage des ‘Enfants qui dessinent'. Le film voulait illustrer une nouvelle méthode d'enseignement de groupe, qui consistait à diviser la classe en deux moitiés pour ensuite les laisser discuter d'un sujet : une partie était pour, l'autre était contre. Le film était la retranscription de ces débats. »

Soseiji gakkyu (La classe des jumelles) 38 min

« Commandé par le Ministère de l'Education Nationale. Le tournage a duré pendant six mois en parallèle de celui des ‘Enfants qui dessinent'. Le sujet était une paire de sœurs jumelles et leurs subtiles différences de comportement et caractère. Je leur ai demandé de faire un dessin sur le thème ‘Ce que je veux faire maintenant'. Je les ai laissé s'exprimer et filmait la scène. Mais le Ministère de l'Education n'a pas apprécié le résultat et m'a demandé de procéder à des coupes de ces séquences car disaient-ils ‘elles n'avaient pas de valeur scientifique'. Un film scientifique n'aurait jamais eu recours à ces techniques de surimpressions, mais pour un film qui ambitionne à décrire subjectivement l'être humain… pourquoi ne pouvais-je pas utiliser ces techniques ? Au final, ils ont tout de même procédé à des coupes. ‘Les Enfants qui dessinent' reçu un bien meilleur accueil, mais je continue à lui préférer la version originale de ‘La classe des jumelles'. »

 

1957

Dobutsuen nikki (Chronique d'un zoo) 76 min

« Commandé par la Nikkatsu comme un film de complément en double programme. Je voulais illustrer les sentiments entre les animaux et les personnes vivant en leur compagnie dans ce zoo. »

 

1958

Horyuji (Le temple Horyuji) 20 min

« Un projet de la Commission Nationale pour la protection des Arts. Ce court-métrage fut alors le plus coûteux de mes travaux jusqu'à ‘Elle et lui'. Nous avions prévu de tourner pendant dix jours pour finalement se retrouver avec plus de trois mois de pellicules tournées en Agfacolor. Pour filmer un gros-plan d'une statue de Bouddha, nous construisions un échafaudage le soir venu. Après deux ou trois prises, l'aube arrivait et nous devions démonter l'installation, pour ensuite aller dormir et continuer encore le soir venu. En filmant les statues de ce temple, j'ai essayé de ressentir les sensations qu'éprouvaient nos ancêtres lorsqu'ils construisirent ces statues. A part pour certaines scènes des ‘Enfants qui dessinent', ce fut la première fois que j'eus recours au montage. »

Shiga Naoya (L'écrivain Shiga Naoya) 28 min

« Un film sur l'écrivain Shiga Naoya, commandé par la bibliothèque Iwanami, et dédié à l'association des amis de l'artiste. Nous avions filmé divers moment de sa vie quotidienne à l'aide d'une caméra 16mm. »

Umi wa ikiteiru (La mer est vivante)

« Une réunion des plans que j'avais tourné à Okinawa avec les plans scientifiques tournés par Yoshida Roruko. »

 

1959-60

Nenrin no himitsu (Les secrets de l'artisan)
6 films d'une série de 52 x 20min : Itamae (Le Cuisinier), Nisenae Kenkyuka (Le spécialiste en fausse monnaie), Tera daiku (Le Bonze bricoleur), Noyoma o aruite shichijunen (70 ans de marche dans la montagne), Nihon no buyo (Les Danses du Japon), Gyoji (L'Arbitre de Sumo).

« Pour compenser le coûteux tournage de ‘Horyuji', j'ai collaboré à la production et au montage de ces séries TV. Une expérience où j'ai énormément appris sur le tournage en 16mm et les méthodes de production TV en général. ‘Les Danses du Japon' était un projet de la Commission Nationale pour la protection des Arts. Un travail intéressant : plusieurs cameramen filmaient différent festivals. Ma première expérience de tournage en utilisant plusieurs types de focales. »

 

Longs-métrages :

 

1961

Furyo Shonen (Les Mauvais Garçons) 89 min

« Présenté à la Semaine de la Critique au festival de Cannes 1962. Mon expérience des productions TV et particulièrement celle du tournage en 16mm m'avait alors énormément servi. L'équipe était constituée de seulement six personnes, nous tournions en 16mm (plus tard ‘gonflé' en 35mm). Deux mois de tournage, mais un temps de montage très court. J'ai utilisé l'improvisation tout du long. Les dialogues ne reflètent pas exactement les vrais conversations des comédiens, mais sont à prendre comme une image subjective de leur conscience et de leurs sentiments. Je voulais non seulement traiter un problème social, mais aussi saisir les problèmes de chaque garçon en tant qu'individu. Une chose insignifiante pour la société peut être très importante pour eux et vice versa. »

 

1962

Mitasareta seikatsu (Une Vie bien remplie) 102 min

« Le premier film que j'ai réalisé en dehors des Productions Iwanami, ainsi que ma première adaptation littéraire. La version originale était plus longue de vingt minutes et a été coupée à la demande de la Shochiku. C 'est peut être mon premier film sans à cotés humoristiques. Récemment, après avoir vu la réaction des jeunes qui le découvrait, j'ai eu l'impression qu'ils ne l'ont pas perçu comme le film a été reçu à l'époque, alors dans la proche continuité de la signature du Traité de sécurité avec les Etats-Unis. »

« Lorsque ‘Une vie bien remplie' fut distribué aux Etats-Unis, il était principalement apprécié par les jeunes militants d'extrême gauche. J'ai rencontré beaucoup de personnes liées au mouvement des ‘Black Panthers' qui ont aimé mon film, me disant partager cette même veine désespérée que j'exprimais à l'écran.»

 

1963

Te o tsunagu ko ra (Les Enfants main dans la main) 100 min

« J'ai été grandement surpris par les jeux des enfants et leurs occupations. Pour les enfants, les jeux sont de véritables moyens d'expression. Tamura, l'auteur de la nouvelle, est impliqué dans un centre pour enfants handicapés. Son livre m'a rempli d'allégresse. »

Kanojo to kare (Elle et lui) 100 min

« Dans ‘Elle et lui', je voulais traiter du thème de la passivité et de la résignation face à la mort. En tant qu'être moderne, je ne pouvais repousser cette conception japonaise, mais je voulais l'absorber pour la dépasser et ainsi atteindre un autre stade. La femme de ‘Elle et lui' essaie de dépasser la mort, alors que le héros de ‘Aido' en est au contraire fasciné et essaye de se construire en s'y confrontant.»

 

1965

Bwana Toshi no Uta (La chanson de Bwana Toshi)

« Je rêvais d'aller en Afrique depuis mon enfance. Leur culture est vraiment différente de la mienne. La première fois que j'y suis allé fut pour le tournage de ‘Bwana Toshi'. Après mon arrivée, je ne savais même pas si je trouverais des personnages pour jouer dans mon film. Cependant comme j'étais persuadé que cela serait une expérience tout à fait intéressante, ceci m'a poussé de l'avant. Une des raisons pour lesquelles j'aime tourner est ce concept de ‘groupe transitoire' se côtoyant le temps d'un unique tournage. Cela ne dure jamais plus de six mois, mais vous découvrez sans cesse de nouvelles possibilités. »

« J'ai pour habitude d'écrire un scénario avant le tournage. Mais ce scénario ne représente au final pas grand chose pour moi. Le plus important est, qu'en parallèle de ce travail d'écriture, j'aie l'occasion de faire mûrir mon film. Si un scénario détaillé est important pour que l'équipe puisse saisir l'essence du film., les acteurs n'ont, eux, pas besoin de le connaître. Lorsque j'ai réalisé ‘Premier amour', j'ai d'abord montré le script aux acteurs avant de vite me raviser et leur retirer. En Afrique, les gens ne se soucient pas de ce qui peuvent leur arriver, car chaque jour ils prennent le risque de se faire tuer par un lion. Ils ne savent jamais ce que leur réserve le lendemain. La conclusion d'un simple film ne leur importe qu'encore moins… »

« Dans ‘Bwana Toshi', le japonais, qui se croit supérieur, découvre bientôt en vivant avec les Africains, que cette prétendue supériorité n'est qu'une façade. Il finit même quelquefois par se sentir stupide… Bien sur, je voulais critiquer cette attitude qui n'est pas spécifique au peuple japonais mais plutôt à celle des pays riches. »

1966

Andesu no hanayome (La fiancée des Andes) 102 min

« Il est vrai que dans ‘La fiancée des Andes', ainsi que dans ‘Premier amour', le personnage central paye les fautes de ses ancêtres et suit en quelque sorte une quête rédemptrice. J'aime ce genre de personnages qui s'excluent de la société. J'y vois un rapport étroit avec la mort. L'homme de ‘La fiancée des Andes' sait depuis le début qu'il va mourir. Selon l'opinion publique, on pourrait même dire qu'il est déjà mort car il vit en dehors de la société. Ma façon d'aborder la mort ne s'accorde certainement pas avec celle de la philosophie occidentale. Mais n'assimilez pas seulement ma perspective à la mentalité orientale, c'est avant tout une vision très personnelle des choses. »

 

1968

Hatsukoi Jigokuhen (Premier amour version infernale) 108 min

« Il importe peu de savoir si vous réussissez ou échouez, car au final vous arrivez à un point où l'appétit de la vie s'estompe. Le plus important est le chemin que vous accomplissez. Bien sur, vous pouvez conclure que tous mes films s'achèvent sur un constat d'échec. La mort ne doit pas être forcément vue comme un échec. Je voulais montrer que Shun a, d'une certaine façon, réussi dans ses tentatives d'apprentissage. Pour lui, ces expériences SONT sa vie. Ma quête de la ‘vérité humaine' n'est ni philosophique ni métaphysique. Faire un film est déjà une expérience en soi. Aux cotés des acteurs et de l'équipe de tournage, vous vous découvrez des talents dont vous n'auriez jamais soupçonné l'existence. Par exemple, l'actrice qui incarne Nanami venait d'une famille aisée. Elle n'avait jamais vu cet environnement urbain ‘burlesque', elle n'en soupçonnait d'ailleurs même pas l'existence. Lorsque nous sommes allés au club (SM,ndlr), elle n'osait même pas regarder les femmes nues. La seconde fois, elle feintait de ne rien voir alors qu'elle épiait à travers ses doigts. Au Japon, les gens pensaient que j'avais engagé une strip-teaseuse professionnelle pour son rôle, alors qu'il n'en était rien. Je pense que ce film a révélé les instincts sexuels qui sommeillaient en elle. Ceci est mon métier : faire remonter ces choses à la surface. La communauté de l'équipe de tournage et des acteurs permettent de telles opportunités. La même chose s'est produite sur ‘La fiancée des Andes' et ‘Bwana Toshi'. »

« Si l'environnement de ce film n'est pas totalement ouvert, c'est probablement parce qu'il reflète quelque part ma conception de la sexualité. Ma scène favorite est celle où le jeune homme, se masturbant, s'évade dans un monde fantasmatique délirant. Sans doute que la peur joue un rôle dans ma conception de la sexualité. De toute façon, mon imagination y joue aussi un rôle important. Je ne crois absolument aux histoires sexuelles ‘héroïques' »

 

1969

Aido (Aido, esclave de l'amour) 98 min

« Le thème principal de ‘Aido' vient des ‘Contes extraordinaires du Pavillon des Plaisirs', écrits par P'ou Song-ling, un grand recueil d'histoires fantastiques de la Chine du 17ème siècle. L'écrivain Kurata Isamu en a adapté une partie pour une pièce de théâtre contemporaine. Mais avant de lire le travail de Kurata, j'avais été ensorcelé par un court-métrage réalisé par un jeune indien vivant aux Etats-Unis. Le garçon filmait forêts, paysages et la lumière d'une façon très simple mais qui parvenait à capturer l'atmosphère de vie et de mort de la Nature d'une façon très sensible. Grâce à son film, j'ai pu raconter la pièce de Kurita et me motiver à traiter du thème de la vie et de la mort. Kurita est une sorte d'esthète, son style est extrêmement sophistiqué, parfois même prétentieux. Pendant que j'écrivais le scénario avec lui, j'ai été contraint d'en garder les dialogues prétentieux. Mais ce qui m'intéressait le plus, et ce que j'ai essayé de développer dans ce film, était la conception orientale de la sensualité. »

« La pièce de Kurita était avant tout basée sur des dialogues qui traitaient d'esthétique et de philosophie. Mon but était d'exprimer cette conception par le seul moyen des images. Cependant, il y a une correspondance entre les images et le texte tout le long du film. Le point de départ fut vraiment ce sentiment qui m'avait envoûté en voyant ce court-métrage. C'était les débuts d'un garçon de dix-huit ans, qui pour la première fois dans sa vie, scrutait la nature à travers sa caméra. Un film par conséquent très naïf, même si les films sont toujours des purs produits de notre civilisation. Mais je suis sûr qu'un jour, l'humanité sera capable de regarder au-delà de leur civilisation pour retrouver ce qui la lie intimement à la Nature et au monde des morts.»

« Mon film est basé sur le reniement complet de l'idée de possession. Le héros est incapable de posséder la fille dont il rêve. Le toucher devient donc primordial pour lui. Ce qui m'a intéressé le plus dans la légende originelle était que la sensualité devenait un sujet en soi. Dans ‘Aido', cette fascination pour la mort, cette fusion avec la nature est encore plus évidente. J'ai été accusé de sombrer dans la sur-esthétisation des images, mais cette beauté n'est pas décorative, elle a une signification. Je ne voulais pas filmer le ‘visible', mais ‘l'invisible' : la lumière, l'air, les reflets, le temps, les ombres… »

 

1970

Koi no dai boken (Une grande aventure d'amour) 120 min

 

1971

Yosei no uta (La chanson de la fée) (Mio) 90 min

 

1972

Gozenchu no jikkanwari (L'Horaire de la matinée)

 

1981

Afurika monogatari (Histoire africaine) 120 min

 

1982

Yogen (Prophétie) Doc 40 min

 

1983

Rekishi : Kaku Kyoran no Jidai (L'Histoire : l'ère de la folie nucléaire) Doc

Yumei to Maho no Kuni : Tokyo Disunerando (Un pays célèbre et magique : Tokyo Disneyland) Doc