.Romain Slocombe, mon Eros très privé
 
 
Entretien avec Romain Slocombe
Réalisé par Caroline Maufroid et Frédéric Maffre le 8 mai 2006 à la Galerie Hors Sol


- L'érotisme dans le cinéma japonais -

•  Quelle a été votre première rencontre avec le cinéma japonais ?


La pendaison (1968)

Romain Slocombe - Cela s'est passé en deux temps. Mon premier film japonais, je l'ai vu quand j'étais gamin. Nous sommes allés, en famille, ma mère, une cousine et moi, voir les 7 Samouraïs de Kurosawa. Dans la foulée, j'ai vu quelques classiques de Mizoguchi et Kurosawa, Les Contes de la Lune Vague après la pluie, à la télé ou ailleurs. Et puis un film qui n'est pas très bon, mais qui était très connu à l'époque : la Porte de l'Enfer de Kinugasa, un mélo en couleur assez beau visuellement, qui date de 1953.

Le second choc a été en 1969 ou 1970, lorsque j'étais au Festival de théâtre d'Avignon. Il y avait à l'époque aussi des programmations de films dans les cinémas de la ville, et notamment une rétrospective sur la Nouvelle Vague du Cinéma japonais cette année-là. J'ai retrouvé le catalogue, il y a peu de temps. C'était incroyable ! Il y avait 2 films de Seijun Suzuki, Chronique d'une fille à Soldats et la Marque du tueur, film qui lui a valu un procès avec la Nikkatsu. Mais aussi Premier Amour, version infernale, un film de Susumu Hani, Eros + Massacre de Kiju Yoshida. Il devait aussi y avoir deux Oshima, le premier, dont je ne sais plus si c'était La Pendaison ou Le Petit Garcon, et Il est né après la guerre, film peu connu, qui raconte l'histoire d'un jeune gauchiste cameraman qui filme la réalité, et finit par se faire arrêter par les flics. Il y avait aussi La Fille que j'ai abandonnée de Shinoda. C'était tout le cinéma plus ou moins révolutionnaire des années 1960, et pour moi, ça a été un véritable choc, qui a précédé de quelques années, presque 10 ans, mon premier voyage au Japon en 1977.

•  Et quelle a été votre premier rencontre avec le cinéma érotique japonais ? Était-ce pendant cette rétrospective ?


Semeru

J'ai vu mes premiers films érotiques lors de mon premier voyage au Japon, en 1977. Il s'agissait de romans pornos de la Nikkatsu, Je me souviens d'un assez bon film de Tanaka (NDLR : Hakkinbon Bijin Ranbu yori: Semeru!), qui n'est jamais sorti en France : c'est une histoire en scope couleur, qui raconte la vie de Ito Seiyu, un artiste photographe et peintre obsédé par le Bondage. Ça se passe au début du siècle, et le personnage principal est un artiste qui photographie sa maîtresse dans la neige avec les chambres photographiques de l'époque. Tanaka a fait d'autres films plus tard, notamment La maison des perversités et aussi le Marché sexuel des filles. Il fait partie des deux trois réalisateurs qui ont vraiment émergé dans le roman porno de la Nikkatsu. Ils n'arrivaient pas à rentrer dans le cinéma japonais commercial, et faisaient donc des romans pornos . C'était la seule manière pour eux de tourner, d'avoir de l'argent pour filmer, même s'ils avaient d'autres ambitions.

Pendant mon deuxième voyage au Japon en 1980, j'ai vu beaucoup de romans pornos , plus commerciaux . Je regardais le programme dans le Pariscope local. Il y avait toujours des séances de 3 films, chacun d'une durée de 1h à 1h15, et on restait plus de 3 heures dans la salle de cinéma. C'était souvent très tranquille, avec toujours un clochard qui ronflait, deux trois étudiants, quelques chômeurs … En tout cas le public était assez clairsemé.

•  Quand on compare le nombre d'entrées des films érotiques japonais sortis en France, il y a 30 ans avec les chiffres actuels, on remarque une chute considérable : Peut-on en conclure qu'il ne s'agissait que d'un effet de mode ? D'autres médias ont-ils relayé la diffusion des images de l'érotisme japonais en France ? A-t-on finalement besoin d'aller chercher l'érotisme au Japon étant donné que la production mondiale est substantielle ?

Ce qui est sûr, c'est que dans les années 1970, tout le monde était un peu en manque de ce genre de cinéma. La plupart de ces films étaient cultes, mais nous n'arrivions pas à les voir. On lisait la revue Midi Minuit fantastique qui en parlait dans les années 1960, début des années 1970. Si d'un seul coup, quelqu'un les distribuait, tout le monde se précipitait pour aller les voir. Dans ce qui est sorti en France dans les années 1960-1970, il y a plusieurs films de Oshima, et de réalisateurs assez cultes comme Koji Wakamatsu.

Des films érotiques des années 1970 sont sortis en 2000 et se sont beaucoup promenés. Ils sont même passés à la maison de la Culture du Japon. Mais il s'agissait d'une rétrospective autour de Tatsumi Kumashiro, soit d'un seul réalisateur. Les gens ne vont pas forcément aller voir tous ses films.

Je pense que le cinéma asiatique a explosé au niveau du monde entier, et que dans le cinéma asiatique, il n'y a pas que le cinéma japonais, mais aussi celui de Hong Kong, le cinéma coréen maintenant. Mais c'est vrai qu'il y a une spécificité japonaise pour le cinéma érotique, qui est en définitive très peu représenté. C'est assez dommage parce que finalement, aucun des films asiatiques qui ont noyé tout ça n'était véritablement érotique.

•  Que s'est-il passé au festival d'Arles lors de la diffusion-scandale d' Un Monde flottant ?

Ce scandale n'avait finalement que peu de rapport avec l'attitude des gens face à ce cinéma. Arles, ce sont des rencontres de photographie, très conservatrices. J'ai bénéficié de circonstances un peu spéciales. Michel Nuridsany, critique d'art au Figaro, lié jadis à la revue Midi Minuit Fantastique, puisqu'il avait fait un film de vampire dans les années 1960, était cette fois directeur artistique des Rencontres d'Arles. Celles-ci avaient été dirigées pendant 25 ans par la même équipe de photographes très classiques comme Lucien Clergue. Puis ils en ont eu assez, et ont décidé avec l'accord de la Direction des Arts Plastiques de "prêter" leur festival à une nouvelle direction artistique. Nuridsany a décidé de parler de sexe, un peu par provocation, et il m'a demandé d'être commissaire d'une expo de photographies. On a cherché des photographes japonais érotiques que je connaissais (Akio Fuji, Yamato Noda, Masaaki Toyoura). Et comme j'avais en préparation un projet de documentaire vidéo sur Araki, il a été décidé de le passer dans le festival.

Une des raisons pour lesquelles il y a eu toute une histoire, c'est qu'il s'agissait d'une vidéo, et comme c'est un festival très traditionaliste, les gens ne voulaient que des diapositives, des images fixes, projetées en fondu-enchaîné. C'était déjà une révolution pour eux qu'on leur impose des films. Par ailleurs, l'ancienne direction n'était pas mécontente de voir le nouveau directeur artistique se ramasser, et a soutenu en douce les contestataires. Et comme arrivait là-dessus le fait que je n'étais pas connu dans le milieu photographique et que je débarquais avec un film sur l'érotisme japonais - en pleine époque de pudibonderie avec l'affaire Dutroux - pour parler d'écolières et de bondage, il y a eu une réaction très violente.

Moi, ça m'a plutôt aidé, parce qu'on parlait de moi dans la presse comme étant "le réalisateur" par-ci, "le réalisateur" par-là, du coup, personne ne mettait en doute le fait que je sois réalisateur alors que je n'étais pas certain moi-même d'en être un ! (rires) Il s'agissait de mon premier film, et je l'avais réalisé par hasard.

•  Est-ce qu'il y aurait une niche pour découvrir le cinéma érotique japonais ou bien est-ce très dur à exporter ?

Le problème, c'est que le cinéma érotique japonais n'existe plus vraiment. La plupart des vrais films japonais pour la consommation locale ne sortent plus en salle et sont tournés en vidéo, pour une distribution directe en vidéo. Ce sont des films à tout petit budget maintenant. On est bien loin des romans pornos de la Nikkatsu. Il ne s'agit plus que d'une affaire japono-japonaise. Il y a quelques cas un peu spéciaux comme Takao Nakano qui fait de la parodie de films de genre, du combat de femmes (Cat Fight) . Il s'agit d'érotisme très décalé, et très 3e, voire 41e degré, qu'Haxan films avait distribué en vidéo. "Popo Color", le petit journal de la librairie Bimbo Tower soutenait beaucoup Nakano. Je crois qu'il a fait pour la Shin Toho un ou deux films en 35mm, mais tout le reste de sa production est faite de petits films vidéo. C'est tellement décalé et tellement kitsch que ça a pu sortir en France. Mais c'est vraiment un cas un peu unique de cette production vidéo.

•  On a retrouvé Seijun Suzuki récemment

Mais là, on est dans le genre Yakuza , et pas tellement dans l'érotisme, et quand il y en a, c'est très second degré. Il y a un côté parodique avec par exemple dans La Marque du tueur, des fausses censures, des caches qui ne masquent pas les bonnes parties anatomiques.

•  Des gens comme Teruo Ishii commencent à être un peu découverts ?

Oui, mais il s'agit d'un retour du cinéma bis des années 60/70, comme pour le Couvent de la Bête Sacrée, sorti récemment en DVD.

•  Il reste encore des réalisateurs assez obscurs et méconnus. On pourrait imaginer que des réalisateurs comme Kumashiro en profitent ?

Les Romans pornos sont des films d'exploitation, avec des thèmes très intéressants, et parfois des approches très sadiennes, qui ont été des révélations pour certains réalisateurs, ou cinéphiles un peu comme moi.

Le premier film érotique japonais que j'ai vu, c'était avant d'aller au Japon, et c'était L'Enfer des Tortures de Teruo Ishii à la Cinémathèque au tout début des années 1970. Mais on est dans un cinéma très particulier, une forme d'Âge d'or mondial du cinémascope entre 1960 et le début des années 1970. Mais à présent, c'est fini, et on a d'autres choses : il y a eu la vidéo, les DVD … La distribution et la manière de regarder les films n'ont plus rien à voir avec cette époque. Maintenant, tout le monde travaille avec des effets spéciaux, le numérique a changé beaucoup de choses. C'est ce qui fait ressortir la saveur et la valeur de ce genre de films plus anciens qui avaient des résultats bien plus forts en se passant très bien d'effets spéciaux

•  Quand on observe les clichés du cinéma érotique japonais et qu'on schématise, on se retrouve souvent avec le bondage ou le fétichisme. Même la génération Dorothée a été exposée à la fameuse question de la petite culotte . Quelle est pour vous la véritable spécificité du cinéma érotique japonais ?


Les Pornographes - Imamura Shohei

Je pense que le cinéma érotique japonais va au-delà, se montre plus subtil. Il y a toujours eu au Japon, sur le plan artistique, une forme de franchise et d'absence de tabou autour du sexe, à part dans les tableaux officiels. Il n'y a pas de moralisme autour des relations sexuelles. Il y a par ailleurs une intellectualisation très forte de la sexualité, du fétichisme, etc. Quand on regarde la littérature japonaise avec des auteurs tout à fait étonnants comme Edogawa Rampo, on découvre des récits formidables, qui ne connaissent aucun tabou. Au début, c'était pour des raisons commerciales. Il ne faut jamais négliger le côté commercial chez les Japonais, qui sont un peuple de marchands. À partir du moment où il y a un public pour quelque chose, il va y avoir une production pour répondre à cette demande. Si on lit le roman de Nosaka Akiyuki, Les Pornographes, qui a été porté à l'écran par Imamura Shohei, on voit clairement l'aspect purement mercantile du sexe au Japon.

C'est la notion typiquement japonaise qui veut que non seulement on exploite un filon, mais qu'on satisfasse le client au maximum.

Les produits érotiques japonais sont des produits vraiment érotiques, peut-être moins pornographiques que ce qui se faisait en France ou en Europe dans les années 1970. Mais il y a une réelle réflexion sur le fétichisme, une vraie connaissance du sujet.

•  Parmi les fétiches du cinéma japonais, il y en a un qui est particulièrement récurrent, c'est la fameuse thématique du viol, que l'on retrouve même dans le cinéma non érotique. Qu'est-ce que ça vous évoque ?


Rape Panic Bus

C'est un grand classique. Disons qu'au Japon, la société est très machiste. Les schémas de base de ces histoires sont très bêtes : Au début, la fille se débat, mais il est extrêmement courant que suite à cet acte, elle tombe amoureuse de son violeur. Au cinéma, et dans toute la pratique artistique, surtout quand on parle de sexe, on recrée le défoulement qu'apportaient les festivals et les rites érotiques paysans issus du Moyen Âge. Les Japonais différencient totalement le théâtre de la réalité. C'est comme dans une danse folklorique où l'on imite la moisson, la charrue, et que les dieux copulent ensemble. Ils rejouent ce drame de l'humanité. Le cinéma sert de défouloir plus commercial finalement à ce même genre de choses. Les Japonais ne vont pas faire des marches ou des piquets de grève parce qu'un film montre un viol ou quelque chose comme ça. Un autre point : le fait que tout cela soit tellement connu, et reconnu comme défouloir, car les femmes japonaises peuvent y reconnaître leurs pulsions masochistes, le plaisir d'être attachées, etc. Même celles qui sont contre ce genre de choses sont quand même au courant de leur existence. On ne se voile pas la face pour des raisons religieuses comme en Europe. Dans le système judéo-chrétien, on a mis comme un couvercle sur tout ça, et il a fallu attendre Freud pour commencer à parler de l'inconscient. Cela a posé beaucoup de problèmes en Europe alors qu'au Japon, cela allait de soi.

•  J'avais lu une étude sur la société japonaise et l'imagerie de la femme ( Poupées, robots : la culture pop japonaise par Alessandro Gomarasca) dans laquelle il est montré que dans l'imagerie des médias, des mangas, la femme japonaise est montrée soit comme une petite fille, soit comme une bombe sexuelle dominatrice, et que dans les deux cas, l'homme japonais se retrouvait face à une femme inaccessible, soit trop jeune et infantilisée, donc dénuée de sexualité, soit au contraire bien supérieure à lui, et dont il n'obtiendrait pas le consentement. La seule solution qui s'offrait finalement à l'homme japonais serait donc le viol.

C'est intéressant, je n'avais jamais entendu cette théorie. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a aussi un aspect un peu primitif romantique dans tout ça. Quand on lit les interviews de Koji Wakamatsu, c'est très clair. Il n'est pas du tout un intellectuel, mais il parle de la femme comme la Mère, comme la vierge Marie, et comme de la très jeune fille qu'on a envie de violer, d'espionner …

•  Et justement, que pensez-vous du phénomène du Lolicon qui fait encore plus grincer des dents en Occident, surtout depuis les affaires de pédophilie des années 1990 ? Est-ce toujours dans la logique du défouloir irréaliste ?

Je pense qu'il y a une certaine obsession de la jeunesse, de la pureté, du mignon, du "Kawaï". Il y a une forme de fétichisation, même au niveau commercial, publicitaire, etc. de la très jeune fille, parfois associé à des fantasmes de pédophilie. Par ailleurs, la législation japonaise n'est pas du tout aussi sévère là-dessus que la nôtre. Je ne dis pas que c'est un bien ou un mal. Mais il n'y a pas du tout ce frein au niveau de l'image qu'il y a en Europe. Les tentatives de censure qu'il y a eu, c'était autour de l'affaire des petites culottes usagées qui étaient vendues dans des machines à sous. Les journalistes en ont parlé en Europe. Les Japonais ont fini par les interdire, pas du tout parce qu'ils étaient contre ce système, mais juste parce qu'ils ne voulaient pas ternir leur image aux yeux de l'Occident.


Bounce Kogal

Love and Pop

•  Il y a quand même des retombées concrètes de ce phénomène, notamment la prostitution des adolescentes lycéennes.

Ça a été une mode à une époque, que beaucoup de jeunes Japonaises ont suivie. Mais elles passent vite en général là-bas. Une de ces modes un peu débiles, c'était à l'époque de vendre des sous-vêtements à des boutiques pour pervers. Et finalement, presque toute la classe le faisait parce que celles qui n'osaient pas le faire étaient raillées par leurs camarades. Il y avait une émulation entre filles, et ça leur faisait de l'argent de poche. Et il y a eu le phénomène du Enjo Kosai , qui consistait à sortir avec des hommes âgés contre rémunération. J'ai entendu que ça voulait dire “ encouragement à la sociabilité ” (rires). Ça s'est beaucoup fait. Il y a aussi eu des Aijin Banku , c'est-à-dire des “ banques à Girlfriends ”, des telephone clubs autour des coups de fil érotiques, etc. Je ne sais pas si ça se fait encore. Si ça se trouve, c'est passé de mode et est devenu ringard.

•  Il a eu deux films récents sur le sujet : Love and pop de Hideaki Anno et Bounce Ko Gals (Call-girls) de Masato Harada, qui sont assez intéressants. Mais si les cas dépeints sont réalistes, c'est vraiment effrayant, tant sur ce qui est montré que sur l'inconscience de ces jeunes filles.

Oui, on peut parler d'inconscience chez ces jeunes filles. Alors que je travaillais sur un documentaire, j'ai aidé le réalisateur à interviewer des filles, des lycéennes, dont deux qui posaient pour un photographe, lequel de toute évidence allait vendre les photos à un magazine porno. Leurs parents étaient au courant, mais faisaient preuve de naïveté, et leur disaient “c'est bien, tu vas peut-être devenir une star”.

•  La fameuse censure des poils pubiens, est-ce que ça vous stimule, artistiquement parlant ?

Moi ça ne me dérange pas du tout. Tout ce que je fais est un érotisme du caché. Si mon modèle est en chemise de nuit et en plus plâtrée, il ne reste plus grand-chose à voir.

•  Je crois personnellement que sans cette censure, les schémas pornographiques japonais seraient moins “ dégénérés ”.

Ce n'est pas faux, mais les Japonais ont aussi cette esthétique de l'emballage, du “ paquet ” : même les kimonos ont un nœud. Le bondage chinois ne tient pas la route, alors que chez les Japonais, on peut être sûr que la fille ne peut pas bouger d'un pouce, sans d'ailleurs que la circulation sanguine soit entravée.

•  Pour en finir avec l'érotisme japonais, il y a la fameuse rencontre avec Araki. Comment, pourquoi s'est-elle passée ?


Araki

Araki fait du bondage, mais ça n'est pas vraiment sa spécialité. C'est surtout un grand photographe, dont le travail est rentré depuis pas mal de temps dans l'art contemporain. On associe souvent Araki au Bondage parce qu'il a une très grande visibilité et que beaucoup de ses photographies sont érotiques, on a surtout retenu en Occident qu'il y a beaucoup de filles attachées dans sa production. C'est un travail très spécifique qu'il réalise depuis 10 ou 20 ans pour le magazine S&M Sniper , qui est un magazine de bondage. Araki a 6 ou 7 pages chaque mois dans ce magazine, et il garde pour lui les images de la même prise de vue, mais qui ne sont pas parues, et qu'on voit maintenant dans les galeries ou les musées, tout comme les polaroïds qu'il utilise pendant la préparation de ses séances photo. Pour moi, si justement Araki photographie entre autre des lycéennes attachées, c'est surtout parce qu'il est japonais, et qu'il ne fait que prouver une certaine universalité de ce fantasme chez les Japonais. Et comme la démarche d'Araki est de photographier toute sa vie, tout ce qui lui arrive, depuis son chat jusqu'au moment où il attend le train à la gare de son quartier, il photographie également des filles attachées, les filles avec lesquelles il est au lit … Et quand il est au Love hôtel avec une fille, il demande à quelqu'un de les photographier ensemble. Ça fait partie du concept.

•  Et donc vous allez en faire un personnage de roman ?

En fait, dans mes romans, il est exposé dans la même galerie que mon personnage, Gilbert Woodbrooke. Dans mon dernier roman Regrets d'hiver , le galeriste en parle parce qu'une exposition est en préparation dans cette galerie. Mais il est juste cité, sans intervenir directement dans le récit,

J'avais l'intention, alors que je préparais le 3e épisode qui parle beaucoup des lycéennes etc., de faire vraiment intervenir Araki, mais ça devenait trop compliqué et ce sont déjà des romans assez longs. Mais ça m'aurait amusé qu'il apparaisse dans l'un de mes romans.