.Toda Hiroshi, illustre inconnu
 
 
Thèmes et sentiments


"September steps".
Même sans avoir accès à son entière filmographie – suite à la destruction de films jugés non satisfaisants par le réalisateur lui-même – on peut noter une nette récurrence de certains thèmes qui parcourent l'œuvre de TODA La Nature y tient par exemple une place primordiale. Amoureux de la beauté des décors naturels, TODA dit puiser inspiration et force dans les paysages extérieurs. L'action de quasiment toutes ses récits passe immanquablement dans une forêt. Isolant ses personnages dans un large cadre, il fait ressortir la petitesse de leur être face à l'immensité des forces terrestres. Le destin de ses personnages semble désuet face à l'âge des hauts arbres les entourant; ses protagonistes sont comme happés par l'immense feuillage des forêts; mais ces lieux peuvent également signifier l'isolement de ces personnages par rapport au monde extérieur. Dans "Snow in Spring", le fils abandonne son père au fond fin d'une forêt pour le laisser mourir; par la suite – et tout comme dans "Six-Jizo" ou "Gokuraku" – la séquence dans une maison perdue forestière semble bien loin de tout secours éventuel extérieur. La forêt qui représente un lieu privilégié pour des drames se passant loin de tout regard indiscret; comme dans "Wayajan" où la nature est une métaphore du retour à l'état primitif.


"For me and my gal".

"Six Jizo".
Face à la Nature, il y a l'Homme; LE terrain d'expérimentation privilégié de Hiroshi TODA.
Certainement influencé par son travail d'infirmier en psychiatrie, TODA aime à sonder le plus profond de l'âme humaine. A longueur de journée en contact avec des comportements pour le moins inhabituels, il déplore la représentation unilatérale ou stéréotypée des personnages d'un film. Ses propres personnages sont donc toujours des humains profondément complexes, parfois torturés, souvent décalés, mais assumant totalement leurs actes et comportements. Depuis le malade mental de "Gloss", en passant par la mystérieuse inconnue dans "For me and my gal" servant carrément la moitié d'un gâteau à son invité avant de commander plusieurs fois des nouilles; du passionné chercheur de fossiles dans "Wayajan" à la malicieuse mère au foyer visitant – en cachette – les appartements de ses voisins; de la mystérieuse mère esseulée dans "Summer Park" à tous les personnages de "Six-Jizo"; du père sénile dans "Snow in Spring" au frère dérangé dans "Gokuraku"; pour ne pas citer le dangereux occupant du musée désaffecté de "September Steps", tous les personnages de TODA sont des êtres inclassables. Trop rapidement estampillés comme "différents", voire "malades mentaux", ils répondent davantage à des comportements peut-être étranges, mais toujours affirmés et relativement inoffensifs. Peut-être n'est-ce que notre propre regard et préjugé, qui les font basculer d'un côté "différent" du nôtre ?


"Gokuraku".
Cette différence se trouve également soulevée par un autre problème maintes fois abordé dans l'œuvre de TODA : l'agressivité naissant d'une incompréhension mutuelle. Selon le cinéaste, il n'existe aucune relation humaine, dans laquelle deux individus pourraient s'entendre à 100%. Ayant chacun nos différences et nos propres façons d'agir, nous ne pouvons être sur une même longueur d'onde. Ce "décalage" va en s'agrandissant au fur et à mesure que nous passons du temps ensemble; jusqu'à, parfois, créer des tensions certaines. "For me and my gal" et "Wayajan" illustrent tous deux brillamment le sujet en confrontant deux êtres foncièrement différents. Incapables de communiquer (signifié par leurs longs silences), ils s'attachent davantage à relever les défauts de l'autre, plutôt qu'à chercher le moyen de s'entendre. Dans les deux cas, leur relation se termine tragiquement : dans le premier, la femme se suicide de désespoir de perdre l'homme; dans le second, le voyageur tue le vagabond pour s'en débarrasser une fois pour toutes. Au fil de son œuvre, TODA fait évoluer son point de vue. Dans "Summer Park", une femme et une fille se rapprochent l'espace d'une journée en dépit de leurs différences flagrantes (d'âge, de mentalité,…). Dans "Snow in Spring", l'incompréhension résulte de la maladie; dans "Gokuraku", le mensonge est à l'origine des malentendus (et malheurs). Autant d’occurrence qui soulignent que les racines de l'incompréhension peuvent revêtir différentes formes et avoir de nombreuses origines.

Autre thème récurrent, la dualité vie/mort comme deux éléments antagonistes à l’influence réciproque. TODA est fasciné par la question de la mort qu'il aborde de différentes manières (suicide, homicide, maladie) à travers son œuvre. Mais plus qu’une finalité ; il engage une reflexion sur la question de la vie après la mort (résurrection dans "Six-Jizo", métempsychose dans "September Steps"), un thème qu'il continuera très certainement à aborder au cours de ses prochains films tant il semble loin d’avoir épuisé les richesses de cette thématique.

Ne se contentant pas seulement d'assouvir sa passion de la caméra en signant de simples scénarios au gré de ses idées – et de celles de ses collaborateurs – Hiroshi TODA poursuit son exploration du médium cinématographique et continue la maturation thématique de son univers. Le signe d'un authentique artiste à l’univers sensible.