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.Tomu Uchida, Maître mineur
du cinéma japonais |
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Fin de carrière |
"Miyamoto
Musashi" 5 (1965) |
De
manière générale, les dernières
années de travail de la carrière d'Uchida
témoignent d’une baisse de qualité.
Le réalisateur consacre énormément
de temps à son adaptation des Miyamoto
Musashi en cinq épisodes, signe le remake
d'un de ses anciens succès remis au goût
du jour avec le médiocre film de yakuza Le
théâtre de la vie, Hishakaku
et Kiratsune (1968) et meurt en plein
tournage de son dernier film Swords of Doom
(1971). On pourrait dire, que les projets auxquels
Uchida était associé étaient démodés,
et qu'à partir de la seconde moitié des
années 1960's, il devenait difficile de travailler
dans de telles conditions. Le détroit de
la faim se veut pourtant comme une ultime tentative
personnelle de s'emparer d'un style moderne et d'un sujet
semblable aux productions d'Imamura (dont il dépasse
l'œuvre dans mon opinion). A cette période,
Uchida travaille exclusivement en couleurs; pour les besoins
de ce seul film, l'aspect granuleux en Noir et Blanc typique
des années soixante est singé et accentué
par la décision de tourner en 16mm avant un transfert
de la pellicule en 35mm. Le film conte l'histoire du criminel
Inukai qui échappe à la justice après
qu'un vol ait détruit une ville d'Hokkaido. Une
brève liaison avec une prostituée la rend
folle de lui; des années plus tard en voyant son
image publiée dans un journal, elle le retrouve
pour se faire aussitôt tuer après l’avoir
menacé de révéler son ancienne identité.
La construction narrative est magistrale. Le film se divise
en trois parties, chacune d'un tonalité différente
: la première est la retranscription pleine d'action
de la fuite d'Inukai: la seconde, une étude sombre
et réaliste de la vie tokyoïte de la prostituée
éconduite; la troisième l'affrontement psychologique
entre un flic et un criminel. Le drame avance par symétrie
géométrique : du détroit séparant
Hokkaido de Honshu (l'île principale du Japon),
en traversant le Nord du Honshu jusqu'à Tokyo,
puis vers le Nord pour se terminer à nouveau au
détroit. Cette symétrie confère au
film le sens de l'inéluctable, comme si le passé
exerçait un contrôle sur le présent.
Sur
le tournage du "Détroit de la faim"
(1965) |
Décrit
par Donald Richie comme "la conséquence d'un
karma", le film peut être également
apparenté à une relecture d'œuvres
telles que Crime et châtiments
ou Les Misérables dans son étude
d'un homme poursuivi par un flic obsessionnel et hanté
par le remords de son passé.(10)
En tant que drame romancé, le film ne fonctionne
pas vraiment. Alors qu'un écrivain pourrait dramatiser
et exprimer l'état d'esprit du coupable, la caméra
accorde trop de place à l'imagination de son public,
pouvant faire ainsi sembler le suicide final d'Inukai
insuffisamment motivé. Pourtant, le film fonctionne
parfaitement en tant qu'étude du Japon d’après-guerre.
La lutte pour la survie matérielle, le bien-être
croissant d'une nation, la situation des femmes et l'interdiction
de la prostitution sont tous des sujets d'intérêt,
et le film tisse une remarquable toile de la période
du Japon d’après-guerre. On pourrait affirmer
que la guerre soit le sujet réprimé du métrage
; le film s'ouvre sur un violent cataclysme à la
fin des années quarante pouvant s'apparenter à
la Guerre. De plus, les activités d'Inukai durant
les années de la Guerre sont laissées délibérément
floues. Le criminel qui dissimule son passé pour
revenir dans le droit chemin et réussit en tant
que businessman pourrait être interprété
comme la personnification de son pays, atteignant un confort
matériel après une défaite militaire.
Pouvons nous supposer que le remord de la guerre est ce
qui mène à la destruction du personnage?
Une
telle interprétation n'est pas impossible sachant
que le cinéma d'Uchida aime à lier des
drames personnels avec des résonances politiques.
Son meilleur travail est à la fois droit et subtil,
combinant l'impact viscéral de scènes
d'actions explosives avec la complexité sous-jacente
des situations et revendications de ses personnages.
Ni la perte de la plupart de ses premiers travaux, ni
le déclin de ses dernières années
ne doivent nous faire oublier la qualité générale
de son travail durant la période de 1955-65.
Jusqu'à présent, seule une infime partie
a été rendue accessible en-dehors du Japon
et ceci seulement dans une poignée d'endroits.
Mais Uchida reste un maître mineur et il est temps
que le public occidental puisse en juger par lui-même.
Alexander
Jacoby, mai 2005
Remerciements à Alexander Jacoby, ainsi qu'à
Michelle Carey du site "Senses of Cinema"
Propos recueillis et traduits par Bastian
Meiresonne avec l’autorisation de l’auteur
– février 2006
Annotations
:
(1)
– Sight and Sound, Hiver 1970-71,
p.23
(2)–
Je dois ces informations biographiques au portrait paru
dans le Tokyo Filmex 2004 : Official Catalog
(p. 39) et à l'article de Craig Watts "Le
Mont Fuji et la lance ensanglantée : le retour
conflictuel d'Uchida de la Mandchourie"
paru dans Bright Lights Film Journal, N°33, 2001.
L'article de Watt donne une biographie plus longue et
détaillée pour laquelle je ne disposais
pas d'assez de place ici.
(3)–
Concernant les résumés et autres détails
issus d'écrits contemporains de ces films perdus,
consulter "The Japanese Film – Art
and Industry" de Joseph Anderson et Donald
Richie, Princeton University Press, Princeton, 1982,
p. 104 et pp. 121–123.
(4)–
Voir Peter B. High, "The Imperial Screen",
University of Wisconsin Press, Madison, 2003,
p. 11 et p. 34.
(5)–
Noël Burch, "Pour un observateur lointain",
Scolar Press, London, 1979, p. 153.
(6)–
Voir High, pp. 170–171.
(7)
- Voir Quintín: “An Anorexic's
Case Against Uchida Tomu”, CinemaScope,
N° 22, 2005
(8)–
Donald Richie, “Rediscovering the Work
of Uchida Tomu” dans Tokyo FILMeX 2004
Official Catalog, pp. 36–37 (p. 37).
(9)–
David Shipman, "The Story of Cinema",
Hodder and Stoughton, London, 1984, p. 969.
(10)–
Richie, Programme du Festival du Tokyo FILMeX 2004.
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