Shinsuke
Ogawa |
Né le 25 juin
1935 à
Mizunami (préfecture de Gifu), il se destine très
tôt à une carrière artistique en suivant
des cours de littérature à l'Université
de Kokugakuin (Tokyo). Renvoyé pour ses activités
politiques (communistes), il intègre la Compagnie
progressiste Shinseiki Eiga-sha. Après avoir changé
pour l'Ecole Iwanami en 1960, il se met à fréquenter
le groupe "Ao no kai" (Club Bleu), où
il fait notamment la connaissance de Yoichi HIGASI, d'Iwasa
HISAYA, de Kazuo KUROKI et de Noriaki TSUCHIMOTO. En 1963,
il se lance dans la réalisation de documentaires
industriels de commande uniquement pour gagner de l'argent
et pour se familiariser avec la réalisation. Préparant
un film sur un fabriquant de saké à Kyoto,
il se voit privé de la moitié de son budget
à une semaine du tournage. C'en est trop. Il se
retire du circuit commercial pour créer, en
1966,
OGAWA PRO(ductions).
Contestataire des hautes instances en place et s'intéressant
aux soulèvements populaires de l'époque,
OGAWA consacre plusieurs documentaires aux mouvements
étudiants. En
1968, il
prend l'insensé risque d'aller s'installer en plein
cœur du conflit opposant des fermiers aux autorités
concernant la future construction de l'aéroport
de Narita. Tout d'abord pensé pour filmer le mouvement
étudiant venu prêter main forte aux agriculteurs
pour affronter les forces de l'ordre, il se découvre
finalement une passion pour les principaux touchés
de l'histoire : les paysans, menacés d'expulsion
et de privation de leurs terres sans autre forme de procédure.
Restant finalement dix ans à leurs côtés,
il couvre l'entier bras de fer en pas moins de sept long
métrages. L'aéroport sera tout de même
terminé, avant que les autorités avouent
à demi-mot, que le projet était insensé
en raison du choix d'un mauvais emplacement pour le trafic
aérien.

Shinsuke
Ogawa |
Le style d'OGAWA s'affine au fur et à mesure
qu'il prend conscience de ses propres intérêts.
Reportant son attention sur le for intérieur
des fermiers, il abandonne son style – auparavant
plus rythmé pour souligner l'action des manifestants
agitées des étudiants – au profit
de longs plans pouvant atteindre plus d'une dizaine
de minutes. Procédé parfois pénible,
il avait pour avantage de ne pas interrompre une personne
interrogée et de la laisser s'exprimer jusqu'au
bout de son raisonnement; ou alors de rendre compte
d'une action précise dans son intégralité.
Il opte également pour une approche réaliste,
tentant d'introduire le moins de coupes au montage possible
afin ne pas interrompre l'état naturel des choses
ni défigurer la vérité. OGAWA a
été parmi les premiers à apparaître
ouvertement dans le champ, afin de créer une
distanciation supplémentaire du spectateur envers
les sujets et ainsi maintenir un regard objectif. Enfin,
la caméra portée à l'épaule
et l'utilisation d'un matériel relativement novateur
et en tout cas léger (caméras 8 ou 16
mm) tranchaient par rapport aux plans relativement statiques
de l'époque typiques des reportages télévisuels.
Après une période de forte popularité
durant la fin des années soixante et début
des années soixante-dix, l'évolution des
mentalités et la désaffectation du public
(et donc des principales ressources financières
pour mener à bien les projets) font accepter au
réalisateur l'invitation de la communauté
agricole de Magino pour aller vivre dans leur région
reculée de la préfecture de YAMAGATA afin
de s’y faire une réelle idée du métier
de fermier. S'installant avec son équipe dans une
maison, ils se mettent à cultiver le riz sur un
terrain loué de 2400 m² pour s'immerger totalement
dans la vie quotidienne et gagner la confiance des villageois.
L'expérience certes épuisante donne une
nouvelle fois lieu à d'épatants documentaires,
croisement improbable entre films éducatifs sur
l'élevage du riz et recueil de témoignages
sidérants des anciens villageois. Humbles témoignages
d'une époque révolue, les films d'OGAWA
ont su conserver l'important héritage d'un passé
japonais bafoué au nom du progrès social.
Alors qu'il s'attelait au projet d'un nouveau documentaire
sur le métier en voie de disparition de cultivateur
de kakis, il meurt subitement d'un cancer du colon en
1992. Sa dernière œuvre
inachevée sera brillamment reprise par son disciple
chinois PENG Xiao-lian, qui terminera le film quinze ans
plus tard.