.Nakata Hideo
 
 
Au delà de l'au delà

"Chaos" (1999)

Entre-temps, le réalisateur réalise "Chaos". Ecrit par le cinéaste ("Sunday Drive") et scénariste ("Tokyo Fist") Hisashi SAITO, ce polar profondément retors est une belle opportunité pour le cinéaste de rendre hommage à l'un de ses genres favoris qu'est le polar américain et surtout au "Vertigo" d'Alfred Hitchcock. Machination diabolique à la trame narrative déstructurée et aux nombreux rebondissements, la mise en scène largement récurrente de ses "Ring" permet à NAKATA d'instaurer un climat trouble et glacé adéquat. Un parfait exercice de style malheureusement sanctionné par un relatif échec public; ce qui n'a pas empêché les américains d'acquérir une nouvelle fois les droits pour signer le remake avec dans les rôles masculins Benicio del Toro et Robert de Niro et à la réalisation Jonathan Glazer (réalisateur du désormais cultissime "Sexy Beast").
Répertorié dans la prestigieuse base de données IMDB, le long-métrage "Sotohiro", soi-disant co-réalisé en compagnie de Shusei KOTANI, n'a jamais existé selon la propre affirmation de NAKATA ; de même pour le référencé – sur certains sites français – "The Embalmer".


"Sleeping Bride" (2000)

"Sleeping Bride" (ou "Glass Brain") est l’adaptation du manga "Garasu no No" d’Osamu TEZUKA, contant la merveilleuse histoire de Yuuchi tirant la jeune Yumi d'un coma par un baiser. Commande des studios de la Nikkatsu et variante du thème de la "Belle au Bois Dormant", le manque de budget plombe singulièrement cette jolie comédie dramatique flirtant dangereusement avec les limites du kitsch. Le film a essuyé un gros échec au box-office japonais. Conscient des limites et des défauts de son propre projet, NAKATA est pourtant fier d'avoir eu la chance de s'attaquer à l’œuvre du "Dieu du manga", TEZUKA ; il regrette seulement que ce dernier ne soit plus des vivants et qu'ils n'aient eu la chance de collaborer davantage, afin d’accorder leurs talents respectifs pour tenter de créer la première réelle adaptation rendant justice au riche univers du mangaka. La veuve de TEZUKA a assisté à la première du film. Sur la demande d'un NAKATA passablement stressée de comment elle trouvait son adaptation, elle aurait répondu: "La nouvelle était petite comme ça...(montrant un petit écart entre son pouce et son index) et vous en avez fait un métrage graaaand comme ça (elle élance son bras tendu en désignant le lointain) !". Jusqu'à ce jour, NAKATA cherche ce qu'elle a bien voulu dire par là et si elle a effectivement aimé ou non sa transposition. En revanche, le réalisateur se remémore avec beaucoup de tendresse sa collaboration avec le scénariste – et créateur de l'animé "Lain" – Chiaki KONAKA. Le traitant de génie, leur travail en commun n'était pourtant pas des plus aisés, les deux hommes étant réputés pour être têtus. KONAKA étant davantage habitué au mangas d'horreur courts et épisodes télévisuels, son travail sur un long métrage n'allait pas sans heurts, alors que le cinéaste était moins affilié au monde particulier des mangas ; pourtant NAKATA dit beaucoup aimer refaire un film avec KONAKA, si l'occasion se présentait à nouveau.


"Sadistic and Masochistic" (2000)

NAKATA ne devait pas se limiter à cette seule adaptation d’un manga. Il avait également travaillé sur une autre transposition sur grand écran, dont le tournage avait été tenu secret de par son ambition. Le film avait nécessité la construction d’un énorme décor, valant à lui seul le gros du budget ; mais à une semaine du tournage, l’auteur (une femme) avait fait savoir, qu’elle revenait sur sa décision d’autoriser l’adaptation et le projet entier avait été annulé !
Plus intimiste, le documentaire "Sadistic and Masochistic" se voulait moins un vibrant hommage aux films de son mentor passé Masaru KONUMA, qu'un travail plus personnel de NAKATA sur lui-même. Revenant sur ses propres débuts dans le monde du cinéma, il cherchait à investir un passé paraissant déjà bien lointain après la déferlante de ses succès. Recueillant le témoignage de nombreux collaborateurs du pape du film érotique et sado-masochiste dont notamment celui de Naomi Tani, l’incontestable égérie du genre, ainsi que de ses trois ex-femmes, il s'amusait également à percer quelque peu le mystère entourant le tyrannique réalisateur. Au-delà de la mise à nu de sa vie privée, NAKATA voulait surtout rendre justice à un homme par trop méconnu, alors que des réalisateurs bien plus mauvais exerçant dans le même genre avaient eu droit à davantage de renommée. La sortie du documentaire s'était accompagnée d'une rétrospective de douze films de KONUMA, qui avait attiré un large public, dont beaucoup de jeunes femmes. NAKATA se félicite de la couverture médiatique plus juste à l'égard du réalisateur.

"Dark Water" sonne les retrouvailles entre l'écrivain Koji SUZUKI, Hideo NAKATA et le producteur Takashige ICHISE (déjà impliqué sur la franchise des "Ring"). Plus proche des aspirations du cinéaste à vouloir créer des personnages avec une touche humaniste, la terrifiante histoire est moins l'énième variante de l'esprit revanchard d'un fantôme plein de rancœur, qu'une subtile métaphore des liens particuliers entre une mère et sa fille. Le remake américain réalisé par Walter Salles est d'ailleurs la meilleure preuve de la parfaite mal-interprétation du véritable sujet du film par des gens uniquement avides de rentabilité financière.


"Last scene" (2002)

Suite à son nouveau succès, NAKATA change complètement de fusil d'épaule en acceptant de participer à un triptyque commandité par la société de production coréenne NECA. Il s'agit de tourner une histoire originale en caméra HDcam (petite caméra vidéo en résolution haute définition) avec un budget restreint. Le projet s’appelle "Digital Nega" et les deux autres films seront tournés par le hong-kongais Fruit Chan (donnant lieu à son "Public Toilet" raté) et le coréen Park Ki-yong (l'expérimental "Camel(s)"). Le projet de NAKATE intitulé "Last Scene" est basé sur une idée originale du producteur Takashige ICHISE et conte l’histoire d’une vedette de cinéma d’autrefois qui sort d’une retraite forcée de plusieurs décennies pour un petit rôle à la télévision. A nouveau profondément humain, le rapprochement de deux êtres que tout oppose est une merveilleuse métaphore de la passation générationnelle au sein du cinéma japonais, mais également une belle étude psychologique. Le film ne jouira malheureusement jamais d'une large diffusion en salles, la société coréenne commanditaire faisant faillite juste après le tournage.