.Tomu Uchida, Maître mineur du cinéma japonais
 
 
Ses films historiques


Sur le tournage de "Le Mont Fuji et la lance ensanglantée" (1955)
Si ces incursions dans le drame contemporain comptent parmi les œuvres d’après-guerre les plus distinguées d'Uchida, le réalisateur a surtout été célébré au Japon pour ses films historiques qui constituaient le gros de ses derniers métrages. Dans ces films, il ne semblait répondre aux attentes que pour mieux les ébranler. Donald Richie a décrit Le Mont Fuji et la lance ensanglantée (1955), sa première réalisation après son retour au Japon, comme "un vrai film de samouraï avec des motivations de l'avant-guerre (loyauté au Seigneur)" ; le film témoigne effectivement de l'influence d'un grand pionnier des films de samouraï, Daisuke Ito, qui a participé à sa production (8). L'esprit du film se rapproche en fait davantage de celui d'un maître du jidai-geki comique d’avant-guerre, Mansaku Itami, aussi bien dans le soin du détail apporté à la caractérisation des personnages que dans la façon de repousser sans cesse le traditionnel duel au sabre tant attendu. La focalisation sur des personnages peu séduisants est une autre réminiscence du travail d'Itami: ici, le drame se recentre sur les servants, alors que leur maître, Kojuro, est un idiot et un ivrogne. Le ressort comique du servant plus intelligent que son maître n'est pas peu répandu, mais il est ici utilisé pour remettre en question les structures hiérarchiques de la société japonaise. Au fil du film, les rencontres de Kojuro avec les gens du peuple et sa perception des injustices sociales l'amènent à confronter ses propres valeurs. Le climax du film est tragique : Kojuro est assassiné par un groupe de samouraïs se moquant de lui pour avoir invité son servant Gonpachi à partager sa table pour boire. Gonpachi est à son tour obligé de les tuer. En faisant cela, il se libère de ses obligations tout en offensant les hiérarchies féodales. Dans tous les cas, l'ironie est atténuée : le sens profond étant celui d'un gâchis tragique à l’image de la bataille finale, menée dans la cour intérieure d'une auberge où du saké s'écoule au sol à travers les trous des tonneaux percés par des lances, en constituant un parfait symbole.


Tomu UCHIDA.
Ses films historiques suivants sont également critiques envers les contraintes féodales. The Horse Boy (1957) est un petit chef-d'œuvre, remontant la piste d'une enfant illégitime jusqu'à une Dame de la Cour. Alors qu'elle est pardonnée et promue à devenir la nourrice de la petite princesse, la Dame est forcée d’abandonner son propre enfant à l'adoption. Une nouvelle fois, la cible d'Uchida est l'inflexible système de classe, ici à travers l’étude de la désintégration d'une famille. Contrairement à Chacun dans sa coquille, les pressions s'exercent de l'extérieur. Le film est difficile à analyser: son impact dépend du talent des interprétations des acteurs, et surtout de la capacité de l'enfant-star Motoyuki Uehara à incarner un personnage aussi complexe. Il y a de nouveau très peu de combats à l'épée, bien que la dernière joute soit réalisée en un unique et superbe long travelling. En fait, le réel climax est émotionnel: le père est obligé de se suicider après avoir restitué une dague, initialement prévue comme cadeau de mariage de la princesse, mais qui avait été dérobé par son fils. Uchida porte une accusation valeureuse contre les valeurs accordant plus de poids à des objets symboliques qu'à des vies humaines, et trouve une alternative positive aux conceptions féodales dans les relations humaines qui se développent entre le fils adoptif, la mère porteuse, et l'homme qui ignore qu'il est le vrai père. Ces scènes, se passant dans un village de la campagne, sont mises en scène avec une vitalité et une intelligence qui contrastent avec le l'oppressante formalité des scènes de la Cour.